Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le site des avocats "triple AAA"

Le site des avocats "triple AAA"

L'Avocat Ancien Avoué, le spécialiste de la procédure d'appel consacré par la Loi du 25 janvier 2011, Par Maître Alexis Devauchelle, avocat, Orléans

Actualité des procédures d’appel et du RPVA

avocataaa — Jurisprudence
Actualité des procédures d’appel et du RPVA

L’appel en matière civile, avec représentation obligatoire, amène au maniement d’outils informatiques complexes qui peuvent parfois troubler l’utilisateur et oblige celui-ci à conformer sa pratique avec les règles de la procédure d’appel.

Ces contraintes additionnées se traduisent par des difficultés nouvelles que la Cour de cassation connaît et auxquelles elles donnent des solutions variées.

Ces derniers mois, divers arrêts ont été rendus dans cette matière sur les difficultés rencontrées. Nous tenterons d’en faire une courte analyse.


Sur le refus par le Greffe du message contenant les conclusions (Civ. 2ème 24 septembre 2015 pourvoi n°14-20212)

A peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour conclure. Il doit remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et les notifier à la partie qui a constitué avocat.
Dans le cas d’espèce, l’appelant avait adressé ses conclusions dans le délai de trois mois à la Cour, mais le Greffe de la Cour d’appel avait rejeté le message à raison de l'absence de référence du numéro de rôle qui lui avait été communiqué préalablement.
La caducité de la déclaration d’appel avait été prononcée ensuite.
La Cour de cassation estime que l'envoi par l'appelante au greffe du fichier contenant ses conclusions, selon les règles de la communication par voie électronique, effectué dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel, et parvenu au greffe ainsi que l'établissait l'avis de refus, valait à son égard remise au greffe. L’appel est donc sauvé.


Sur le défaut de signification des conclusions à la partie défaillante (Civ. 2ème 15 octobre 2015 pourvoi n°14-11869)

A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour ou sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avocat.
Une partie au litige s’est limitée à transmettre ses conclusions au greffe de la cour d'appel par voie électronique, puis à signifier à son adversaire une demande tendant à ce que celle-ci constitue avocat.
L’arrêt de la Cour d’appel qui se fonde sur les conclusions transmises est cassé, la Cour de cassation jugeant ces conclusions n'avaient pas été signifiées à la partie, qui n'avait pas constitué avocat au moment de leur remise au greffe.
Le RPVA n’interdit évidemment pas le respect du principe contradictoire.


Sur la méconnaissance par l’appelant de la constitution d’avocat de son adversaire (Civ. 2ème 15 octobre 2015, pourvoi n°14-24322)

Lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, la notification entre avocats d'un acte de constitution doit faire l'objet d'un avis électronique de réception, indiquant la date de cette réception et valant visa par l'avocat destinataire de l'acte de constitution.
Ainsi, la caducité de la déclaration d'appel faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'avocat de l'intimé dans un délai de trois mois suivant la déclaration d'appel n'est encourue qu'en cas de constitution par l'intimé d'un avocat, notifiée à l'avocat de l'appelant, régulièrement et préalablement à la remise par ce dernier de ses conclusions au greffe de la cour d’appel.
En l’espèce, l’appelant avait reçu l'acte de constitution de l’intimé, mais celui-ci avait été transmis à une adresse ne correspondant pas à l'adresse électronique utilisée par son avocat pour le réseau privé virtuel avocat (RPVA).
La Cour de cassation considère que l’appel ne pouvait être jugé caduc, faute de notification, dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, par l'appelant de ses conclusions à l'intimé ayant préalablement constitué un avocat, tandis qu’il n’ était établi pas que le courrier électronique en pièce jointe duquel figurait la constitution d'avocat de l'intimé avait été reçu par l'avocat de l’appelant (ce que ce dernier avait contesté d’ailleurs).


Sur la forme de l’envoi des conclusions d’appel (Civ. 2ème 28 mai 2015 pourvoi n°14-28233)

Une partie auteur d’un recours en annulation contre une sentence arbitrale avait adressé ses conclusions au fond à la Cour, mais sous forme d'une communication de pièce dans le cadre d’un incident d'irrecevabilité du recours soulevé par son adversaire.
La Cour de cassation juge que cette forme de transmission des conclusions ne peut être tenue pour équivalente ni à la remise au greffe de ces conclusions ni à leur notification aux avocats des autres parties au sens des articles 908 et 911 du code de procédure civile.
La caducité de la déclaration d’appel était donc encourue.


Sur la nature des conclusions d’appel (Civ. 2ème 28 mai 2015 pourvoi n°14-28233)

Les conclusions exigées par les articles 908 et 909 du code de procédure civile sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes, qui déterminent l'objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l’instance.
Dès lors, les conclusions de l'appelant en réponse à un incident de nature à mettre fin à l'instance soulevé par l'intimé ne répondent pas à cette définition.
L’appelant doit donc conclure au fond dans les délais requis, alors même qu’il défend sur un incident initiée par son adversaire intimé.


Sur la prorogation du délai pour conclure en suite d’une décision d’octroi ou de rejet d’une demande d’aide juridictionnelle (Civ. 2ème 24 septembre 2015 pourvoi n°14-22945)

Aucun texte n'impose au greffe de la cour d'appel, lorsqu'il reçoit la copie de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, d'aviser les parties du nouveau délai imparti pour signifier la déclaration d’appel.
Help yourself…


Sur le défaut de respect des formes de transmission des conclusions d’appel (Civ. 2ème 24 septembre 2015 pourvoi n°13-28017)

Les appelants avaient irrégulièrement notifié leurs conclusions aux intimés. La Cour d’appel en a déduit que ces écritures étaient irrecevables de sorte que les appelants s'étaient abstenus de conclure dans le délai légal et que la caducité de leur déclaration d'appel devait être prononcée.
La Cour de cassation retient que la cour d’appel n'avait pas à rechercher si cette irrégularité avait causé un grief aux intimés dès lors que la caducité était encourue au titre, non pas d'un vice de forme de la notification des conclusions entre avocats, mais de l'absence de conclusions remises au greffe dans les délais requis.


Sur le délai de dépôt des conclusions d’appel (Civ. 2ème 29 janvier 2015 pourvoi n°13-19861 - 19 février 2015 pourvoi n°14-11551)

La caducité de l'appel est encourue faute pour l'appelant d'avoir déposé ses conclusions au greffe de la cour d'appel dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel et ce, malgré la signification à l’intimé de ses conclusions dans le délai de l’article 908.
La Cour de cassation a écarté le moyen du pourvoi qui développait qu'en cause d'appel, lorsque la représentation est obligatoire, l'appelant est seulement tenu de conclure dans les trois mois de la déclaration d'appel et de notifier ses conclusions et pièces aux avocats des parties avant de les remettre au greffe de la cour d’appel.
Elle ajoute ainsi aux dispositions des articles 906 et 908 du code de procédure civile.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

La clause de conciliation préalable et le cautionnement

avocataaa — Jurisprudence
La clause de conciliation préalable et le cautionnement

Aux termes d’un arrêt rendu en son audience du 13 octobre 2015 (pourvoi n°14-19734), la Cour de cassation nous éclaire sur l’articulation entre la clause de conciliation préalable obligatoire et le cautionnement.

En guise de prolégomènes, je rappelle que la Chambre Mixte de la Cour de cassation a déjà jugé au mois de décembre 2014 (Chambre Commerciale arrêt n°279 du 12 décembre 2014 pourvoi n°13-19.684) que la clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, de nature à favoriser une solution du litige par le recours à un tiers est impérative puisqu’elle n'est même pas susceptible d'être régularisée par la mise en œuvre de ladite clause en cours d'instance.

Dans un premier arrêt du 14 février 2003, la Chambre mixte avait été déjà amenée à préciser que cette clause contractuelle instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge était licite, constituait une fin de non-recevoir suspendant la prescription jusqu’à l’issue de la procédure de conciliation et qu’elle s’imposait si une des parties l’invoquait (pourvoi n°00-19423 & 0-19424).

La chambre mixte avait alors mis fin à une divergence de positions entre la deuxième chambre civile – qui sanctionnait par l’irrecevabilité de l’action le défaut de mise en œuvre de la clause (6 juillet 2000 pourvoi n°98-17827) - et la première chambre civile – qui se refusait à prononcer une sanction (23 janvier 2001 pourvoi 98-18-679 & 6 mars 2001 pourvoi 98-15502).

Pour la Haute Juridiction, le défaut de mise en œuvre cette clause constitue une fin de non-recevoir particulière puisqu’elle exclut une régularisation en cours d’instance, alors même que les dispositions de l’article 126 du code de procédure civile prévoient la possibilité de cette régularisation et que la seconde chambre de la Cour de cassation avait admis cette régularisation (16 décembre 2010 pourvoi n°09-71575) comme la Chambre commerciale sept mois plus tard (3 mai 2011 pourvoi n°10-12187).

Dans le cadre d’un contrat de cautionnement, elle précise que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une telle clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge ne concerne, lorsqu’une telle clause figure dans un contrat de prêt, que les modalités d’exercice de l’action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu’elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer.

Ainsi la Chambre commerciale exclut, pour ce motif, la caution du bénéfice des dispositions de l’article 2313 du code civil, lesquelles disposent que cette caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur au principal et qui sont inhérentes à la dette. Mais ainsi que le précise la Cour de cassation, la clause contractuelle instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge n’affecte pas la dette elle-même.

Cependant si elle ne l’affecte ni dans son caractère liquide ni dans son caractère certain, elle semble pourtant l’affecter dans son exigibilité.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

L’estoppel, une louable intention…

avocataaa — Jurisprudence
L’estoppel, une louable intention…


Principe de droit anglo-saxon, l'estoppel peut être défini par l’interdiction de se rétracter après un engagement si l’autre partie s’y est fiée (la notion de Common law est celle de ‘promissory estoppel’). En droit judiciaire français, dans le cadre du procès, il se traduit par la prohibition pour une partie se prévaloir d'une position contraire à celle prise antérieurement, lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers.

Ce principe a été progressivement introduit en droit judiciaire français et consacré par la Cour de cassation (cf. Assemblée plénière 27 février 2009, pourvoi n°07-19841; Avis de M. de Gouttes, Premier avocat général, BICC n°700 du 15 avril 2009; 1ère Chambre civile 3 février 2010, pourvoi n°08-21288, Com. 20 sept. 2011 pourvoi n° 10-22.888, D. 2011. 2345, obs. X. Delpech & Procédures 2011, Repère 11, obs. H. Croze ).
En droit administratif, en revanche, le Conseil d’État a jugé que ce principe n’était pas compatible avec le contentieux de la légalité des actes administratifs (CE, Société Pace Europe, 2 juillet 2014 req. n°368590, CE 1er avril 2010 req. n°334465).

Ce principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui permet donc d’opposer une fin de non-recevoir nouvelle, tirée d’une sorte de morale ou de bonne foi procédurale.
Il intéresse au premier chef les situations procédurales complexes dans lesquels les parties mènent des combats de longue haleine, devant même parfois plusieurs juridictions.
Il se rapproche d’autres principes comme celui de cohérence, voire de loyauté, dérivés également du devoir d’agir de bonne foi.

Ce principe n’interdit toutefois pas à une partie de changer de stratégie de défense au cours de son procès. Il reste en réalité assez flou et le juge judiciaire français apparaît tout à fait frileux dans son application, modérant alors le principe consacré.

Ainsi la Cour de cassation a-t-elle refusé de faire application du principe de l’estoppel, tandis qu’une partie en première instance fondait sa demande sur un contrat d’agent commercial, pour contester la qualification même d’agent commercial ensuite devant la Cour d’appel.
Dans ce cadre, elle estime, sur le fondement de l’article 563 du code de procédure civile, que les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause (Cass. Com. 10 février 2015 pourvoi n°13-28262, 19 mai 2015 pourvoi n°14-17553, 19 mai 2015 pourvoi n°14-13180).

La Cour de cassation rappelle également que ce principe ne peut être appliqué que dans le cadre d’actions ayant des fins identiques (Soc. 22 septembre 2015, pourvoi n°14-16947), ce qui renvoie aux dispositions de l’article 1351 du code civil et à la triple identité de cause, de chose demandée et de parties revêtues de la même qualité.

Il faudra certainement un bon nombre d’arrêts pour que la Cour de cassation définisse avec précision le principe de l’estoppel, tant dans son contenu que dans sa portée.
Mais, au vu de ses arrêts les plus récents, on constate que la Cour de cassation a déjà réduit ce principe, pourtant fort intéressant et utile, à une véritable peau de chagrin.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

La caducité de l’appel n’est pas contraire au principe du procès équitable

avocataaa — Jurisprudence
La caducité de l’appel n’est pas contraire au principe du procès équitable

Les sanctions lourdes fixées par le décret de procédure civile de décembre 2009 dans les matières avec représentation obligatoire ne sont pas contraires aux principes posés par la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, notamment à son article 6 §1.

En vertu de l’article 6§1 précité, le droit d’accès au juge doit garantir « un contrôle efficace de toute ingérence étatique dans les droits des individus » (CEDH, Golder c/ RU, 21 février 1975 - CEDH, Klass c/ RFA, 6 septembre 1978).

Mais ce droit n’est pas absolu et « peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat ». Cependant, « les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même » (CEDH, Khalfaoui c/ France, 14 décembre 1999).

Aux termes d’un arrêt rendu le 24 septembre 2015 (pourvoi n°13-28017), la seconde chambre civile de la Cour de cassation a estimé que la caducité de l’appel, encourue du fait d’une notification des conclusions de l’appelant à l’intimé non conforme aux textes en vigueur, ne constitue pas une atteinte aux règles posées par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Pour la Cour de cassation, la sanction de la caducité de l’appel n’est pas disproportionnée au but poursuivi, lequel est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel.
Elle écarte donc le moyen de cassation développé tendant à faire juger que le droit d’accès au juge ne pouvait être ainsi limité, la mesure mise en oeuvre ne poursuivant pas un but légitime et étant disproportionnée au but visé.

Il faut bien dire que dans l’espère soumise à la Cour de cassation, l’appelant avait tout de même signifié ses conclusions à la partie intimée, laquelle en avait donc eu connaissance dans les délais applicables, mais cet appelant n’avait pas respecté les formes réglementaires pour procéder à une signification valable de ses écritures.

La Cour d’Appel avait alors retenu que du défaut de respect des formes de notification s’ensuivait que les appelants n’avaient tout simplement conclu dans le délai de trois mois imparti à peine de caducité. La discussion sur l’absence de grief occasionné à la partie intimée avait été alors jugée purement et simplement sans objet, dans la mesure où la caducité n’était pas encourue au titre d’un vice de forme, mais du fait de l’absence de remise dans le délai au greffe de la Cour des conclusions d’appel.

Cette position sévère n’est pas surprenante pour l’auteur de ces quelques lignes et s’inscrit même dans une continuité certaine.
En effet, la Cour de cassation avait déjà jugé, dès juin 2014, pour valider la sanction de l’article 902 du code de procédure civile (pourvoi n°13-22011), qu’il incombait à l’appelant d’accomplir les actes nécessaires à la régularité de la procédure d’appel, sans que les délais prescrits ne privent les parties du droit d’accès au juge et à un procès équitable.
Plus encore, la Cour de cassation, toujours en juin 2014 (pourvoi n°13-22013), avait jugé en des termes identiques concernant la sanction prévue à l’article 908 du code de procédure civile en cas de défaut de signification des conclusions par l’appelant dans le délai de trois mois de sa déclaration d’appel.

Donc gare aux sanctions…
La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne pourra pas constituer une planche de salut.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

La fragilité de l’appel incident

avocataaa — Jurisprudence
La fragilité de l’appel incident

Il est entendu qu’une partie mécontente d’un jugement rendu en premier ressort à son égard peut en interjeter appel dans les délais légaux, afin de saisir la Cour d’Appel de ses arguments, voire de développer de nouveaux moyens et produire de nouvelles pièces.

L’article 546 du code de procédure civile énonce que le droit d’appel appartient à toute partie, si elle n’a pas renoncé. Mais la partie adverse peut alors également, si le Tribunal n’a pas fait intégralement droit à ses prétentions, à son tour former un appel incident et tenter de faire le plein de ses demandes initiales.

A cet égard, l’article 548 du même code édicte que l’appel peut être incidemment relevé tant contre l’appelant que contre les autres intimés et qu’il peut également émaner, aux termes de l’articles 549, de toute personne même intimée, ayant été partie en première instance. Ce qui paraît simple a été considérablement complexifié par le décret du 9 décembre 2009 et la jurisprudence récente de la Cour de Cassation.

Tout particulièrement, par un arrêt du mois de mai 2013, la Cour de cassation a notablement affaibli les possibilités d’introduire et de maintenir un appel incident (Civ. 2ème 13 mai 2015 pourvoi n°14-13.801).

En vertu de cet arrêt, la Cour de cassation a paralysé l’appel incident, pourtant valablement formé par la partie intimée, dès lors que l’appel principal avait été jugé caduc.

Pour faire simple, le tronc principal que constituait l’appel, une fois coupé, ne pouvait pas laisser survivre la branche que constituait l’appel incident qui s’y était greffé. Sans l’écrire aussi explicitement, la Cour de cassation retient ainsi que la caducité de l’appel principal s’étend à la procédure d’appel toute entière, nonobstant l’appel incident correctement formé antérieurement.

La réponse peut paraître simple et comme allant de soi, mais ce faisant la Cour de cassation rejette totalement l’appel incident qui pourtant, dès lors qu’il est formé dans le délai d’appel, vaut à son tour appel principal.

La Cour de cassation estime en effet que « l’appel incident, peu importe qu’il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité de l’appel principal ». Elle valide la position de la Cour d’Appel qui avait considéré qu’elle ne pouvait pas être saisie de l’appel incident alors que la caducité de l’appel principal avait été prononcée.

La seconde chambre de la Cour de cassation apparaît là mettre un sérieux bémol à son interprétation extensive de l’alinéa premier de l’article 550 du code de procédure civile en vertu de laquelle l’appel incident est recevable s’il a été formé dans le délai qu’avait l’intimé pour agir à titre principal (cf. notamment Civ. 2ème 26 nov. 1980 pourvoi n°79-14149, 7 décembre 1994 pourvoi n°92-22110, Com. 11 juin 2002 pourvoi n°99-12854).

Cet appel incident est pourtant validé par la doctrine comme valant appel principal et se suffisant à lui-même, n’étant incident que par sa forme.

Il sera relevé par l’auteur que la position adoptée le 13 mai dernier est curieusement en opposition avec celles exprimées dans le cadre de l’avis n°15003 du 9 mars 2015 tant par le rapporteur que par l’avocat général.

En conséquence, au vu de cette jurisprudence, le plaideur sera bien avisé de s’interroger sur son choix initial de former uniquement un appel incident, celui-ci dépendant de l’absence de caducité de l’appel principal. Un second appel principal, formé par la partie intimée, sera de nature à éviter de voir la procédure d’appel se dérober sous ses pieds.

Mais que de lourdeurs procédurales alors qu’il suffisait seulement, pour les éviter, de retenir comme valide l’appel incident formé dans le délai pour agir à titre principal.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

L’autorité de la chose jugée par le conseiller de la mise en état sur l’irrecevabilité de l’appel ou sa caducité, ainsi que sur l’irrecevabilité des conclusions

avocataaa — Jurisprudence
L’autorité de la chose jugée par le conseiller de la mise en état sur l’irrecevabilité de l’appel ou sa caducité, ainsi que sur l’irrecevabilité des conclusions

La portée de ces décisions du conseiller de la mise en état a été précisée par la Cour de cassation en cette rentrée des classes.

D’abord, il faut rappeler que le second alinéa de l’article 914 du code de procédure civile énonce que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 ont autorité de la chose jugé au principal.
Incidemment, la compétence d’attribution du conseiller est exclusive dès lors qu’il est désigné (voir mon article précédent du 18 mai 2015), sauf si la cause de la fin de non recevoir survient ou est révélée après son dessaisissement.

Ainsi, il appartient aux parties de saisir le conseiller de la difficulté de procédure dès sa désignation, sans espérer pouvoir passer outre et soulever la même difficulté devant la Cour saisie du fond.

Les parties ne peuvent pas davantage imaginer faire un galop d’essai devant le Conseiller de la mise en état, puis une seconde démarche devant la Cour saisie du fond.

De plus, dès lors que le recours ouvert à l’encontre de l’ordonnance du conseiller de la mise en état est le déféré prévu à l’alinéa second de l’article 916 du code de procédure civile, ce recours ne peut être ignoré ou contourné.

Aux termes d’un arrêt du 3 septembre 2015 destiné à la publication au bulletin (pourvoi n°13-27060), la seconde chambre de la Cour de cassation a sanctionné une Cour d’appel qui, saisie au fond, avait tranché différemment la question de procédure de son conseiller de la mise en état.
S’il est intéressant de relever, par curiosité, le défaut de cohérence de jurisprudence entre la chambre de la Cour d’Appel et son propre conseiller de la mise en état, il est plus intéressant encore de noter que la Cour de cassation estime, en application des articles 480, 914 et 916 du code de procédure civile et encore de l’article 1351 du code civil, que la Cour d’appel était liée par l’autorité de la chose jugée par son conseiller de la mise en état.

En réalité, il convenait pour le plaideur, après la décision du conseiller de la mise en état, de saisir la Cour d’un déféré dans le délai de quinzaine du prononcé de l’ordonnance et non de réintroduire la question dans le cadre du débat au fond.
La Cour d’appel alors saisie du fond devait nécessairement se conformer à la décision de cette même Cour rendue sur déféré.

Quant au plaideur mécontent, il lui appartenait de former un pourvoi à l’encontre de l’arrêt sur déféré en même temps qu’à l’encontre de l’arrêt au fond.

Mais il ne pouvait en aucun cas espérer court-circuiter ni l’ordonnance du conseiller ni l’éventuelle décision sur déféré, toutes deux revêtues de l’autorité de la chose jugée.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

Calendrier de procédure par le conseiller de la mise en état et conclusions postérieures

avocataaa — Jurisprudence
Calendrier de procédure par le conseiller de la mise en état et conclusions postérieures

L’article 912 du code de procédure civile applicable en appel dans les matières avec représentation obligatoire invite le conseiller de mise en état à examiner l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces.

Il doit alors théoriquement arrêter le calendrier de procédure en fixant la date de la clôture et celle des plaidoiries.

En réalité, ce calendrier de procédure est souvent connu des parties bien en amont, le conseiller de la mise en état – ou à défaut le président de la chambre – arrêtant le calendrier de procédure bien plus tôt que le prévoit l’article 912, à savoir après le premier échange d’écritures entre les parties, voire dès les premières conclusions enregistrées au Greffe par l’appelant.

Les usages varient d’une cour d’appel à l’autre, voire d’une chambre à l’autre au sein d’une même cour d’appel.

Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, le conseiller de la mise en état peut fixer un nouveau calendrier, après avoir recueilli l'avis des avoués [désormais des avocats].

Dès lors que l’avis des avocats a été sollicité par le conseiller de la mise en état pour connaître de leur intention de conclure après leurs premiers échanges, mais que l’un d’eux n’a pas répondu, les parties sont-elles privées du droit de conclure plus avant ?

Le conseiller de la mise en état doit-il clôturer l’affaire en sa totalité, ou partiellement ?

L’article 780 du code de procédure civile offre en effet au magistrat de la mise en état cette faculté puisqu’il énonce : « Si l'un des avocats n'a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d'office ou à la demande d'une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours. »

En revanche, en l’absence de clôture totale ou partielle de l’instruction, et en l’absence de réponse d’une partie à l’interrogation du conseiller de la mise en état, les nouvelles conclusions signifiées postérieurement sont-elles recevables ?

Par arrêt du 12 novembre 2013, la Cour d’Appel d’Aix en Provence a jugé que le mutisme de la partie et de son conseil à la question posée interdisait de faire signifier de nouvelles écritures.

La sanction prononcée était particulièrement sévère et surtout non prévue par les textes, et notamment pas ceux issus du décret modifié n°2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile.

Si l’irrecevabilité des conclusions est en effet la sanction prévue au manquement aux délais des articles 909 et 910 du code de procédure civile, l’article 912 ne prévoit rien en cas de défaut de réponse à l’interrogation du magistrat de la mise en état.

Aux termes d’un arrêt rendu le 4 juin 2015 (pourvoi n°14-10548), la seconde chambre civile de la Cour de cassation a sanctionné la Cour d’Appel aixoise en cassant son arrêt par l’attendu de principe suivant :

« en l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau »

En conséquence, après avoir respecté le carcan procédural des articles 908 à 910 du code de procédure civile et les délais stricts imposés, les parties retrouvent une liberté totale et ne sont plus contraintes que par le respect du contradictoire. Elles peuvent donc conclure de manière récapitulative sans subir de risque d’irrecevabilité pour manquement aux délais.

Au-delà, il est même intéressant de relever que la Cour de cassation autorise les parties à « invoquer de nouveaux moyens » qu’elles n’auraient pas encore développés jusque-là et qu’elles découvriraient en fin de procédure d’appel.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

L’appel provoqué : sous quelle forme & dans quel délai ?

avocataaa — Jurisprudence
L’appel provoqué : sous quelle forme & dans quel délai ?

En matière civile avec représentation obligatoire, l’appel provoqué est une forme d’appel induite par l’appel formé par une partie à titre principal qui le provoque.

Pour mémoire, cet appel provoqué peut être déclenché dans un certain nombre d’hypothèses, c’est-à-dire :

1. Soit par une partie intimée contre une autre partie n’ayant pas été intimée sur l’appel principal, 2. Soit par une partie non intimée contre une autre partie présente au litige en première instance, 3. Soit par un appelant principal lorsque celui-ci se retrouve en position alors d’intimé sur un appel incident, mais contre une autre partie n’ayant pas été intimée sur l’appel principal.

Il s’agit essentiellement, dans les litiges complexes concernant trois parties ou plus, de mettre en œuvre les appels en garantie ayant échoué devant les premiers juges.

Cette situation est plus fréquente que l’on imagine et les litiges dans le domaine de la construction et de la réparation de dommages sont souvent fertiles en appels provoqués.

Au-delà de ce début de nomenclature de l’appel provoqué, il est intéressant d’évoquer la forme qu’il doit prendre et le carcan procédural qui lui est imposé au regard du dispositif procédural fixé par le décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009 modifié.

L’article 551 du code de procédure civile enseigne que l’appel provoqué doit être formé « de la même manière que le sont les demandes incidentes », ce qui permet d’en conclure que si la partie a constitué avocat devant la Cour d’Appel, l’appel provoqué doit être formé par voie de conclusions et que si la partie n’est pas représentée, ce même appel provoqué doit être formé par assignation.

Ce deuxième mode d’appel provoqué est de loin le plus courant.

Par ailleurs, l’article 909 du même code précise que l’intimé dispose d’un délai de deux mois à compter de la signification des conclusions de l’appelants prévues à l’article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident

L’appel provoqué de la partie intimé est une forme d’appel incident. Il se doit donc de respecter le délai fixé à l’article 909 du code de procédure civile et ce, sous peine d’irrecevabilité.

Ainsi, lorsque l’appel provoqué doit être formé par voie d’assignation, il convient de veiller à ce que l’assignation comportant ledit appel provoqué soit signifiée par l’huissier instrumentaire dans ce délai de deux mois, puis ensuite portée à la connaissance de la Cour via le RPVA.

Des plaideurs ont fait les frais de ces règles et ont été sanctionnés par Monsieur le conseiller de la Chambre civile de la Cour d’Appel d’ORLANS (Ordonnance d’incident du 11 juin 2015 RG 14/03476 SARL Blot / Mobia & Duvelleroy, Guérin). Ils avaient plaidé, pour tenter d’esquiver l’irrecevabilité de leur appel provoqué formé par assignation postérieure au délai de deux mois de l’article 909, de plaider, que l’article 909 ne visait que l’appel incident et excluait l’appel provoqué qui aurait alors pu être formé en tout état de cause.

Le Conseiller de la mise en état de la Cour d’Appel d’ORLEANS a répondu de manière très claire :

« Il est constant que la voie de recours engagée par [les intimés] est un appel provoqué, et donc par nature un appel incident, alors qu’il résulte de la combinaison des prescriptions des articles 910 et 68 du code de procédure civile que l’appel provoqué contre un tiers doit être formé par assignation, valant conclusions, dans les deux mois de l’appel qui le provoque, Que les dispositions de l’article 911 du code de procédure civile ne concernent que les notifications faites aux parties, et ne sont donc pas applicables en la cause. »

La sanction de l’irrecevabilité frappe donc l’appel provoqué ainsi formé tardivement.

La position de la Cour d’Appel d’Orléans apparaît en tout point conforme avec les termes de l’arrêt déjà rendu par la Cour de cassation le 9 janvier 2014 (pourvoi n°12-27043 Bull. 2014 II n°1).

Le conseiller de la mise en état apporte cependant une précision complémentaire en écartant toute application à l’appel provoqué des dispositions de l’article 911 du code de procédure civile.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

Quelle juridiction pour prononcer la caducité de l’appel ou l’irrecevabilité des conclusions ?

avocataaa — Jurisprudence
Quelle juridiction pour prononcer la caducité de l’appel ou l’irrecevabilité des conclusions ?

L’article 914 du code de procédure civile confère au conseiller de la mise en état la compétence pour statuer sur les incidents tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d’appel, déclarer l’appel irrecevable ou trancher toute question relative à la recevabilité de l’appel et, enfin, pour déclarer les conclusions irrecevables pour défaut de respect des délais fixés à l’intimé par l’article 909 du code de procédure civile ou par l’article 910 à l’intimé sur appel incident ou provoqué.

Mais cette compétence n’est pas absolue.

D’une part, cette compétence dure le temps de sa désignation. A défaut de l’avoir saisi, les parties ne sont donc plus recevables à invoquer la caducité de l’appel ou l’irrecevabilité des conclusions nous enseigne l’article 914, sauf à ce que la cause de caducité ou d’irrecevabilité ne survienne ou ne soit révélée postérieurement à son dessaisissement – ce qui semble tout de même bien théorique.

A cet égard, il faut relever l’importance de cette saisine pour à conserver les moyens dans l’éventualité d’un pourvoi. La Cour de cassation a en effet jugé qu’il ne pouvait être reproché à une Cour d’Appel de s’être abstenue de prononcer d’office la caducité de l’appel (Civ. 2ème Ch. 17 octobre 2013 n° pourvoi 12-21.242).

D’autre part, cette désignation doit être intervenue. En effet, certaines matières échappent à la procédure d’appel ordinaire et connaissent de plein droit un traitement prioritaire avec une fixation à bref délai à l’audience par le Président de Chambre, à l’instar des ordonnances de référés ou de celles-visées à l’article 776 1° à 4° du code de procédure civile.

Dans le cadre de ce circuit dit ‘court’, point de conseiller de la mise en état donc.

Il faut alors saisir la Cour des questions incidentes de procédure d’appel, par la signification des écritures, en développant in limine litis les causes de caducité d’appel ou d’irrecevabilité de conclusions envisagées.

Le Conseiller de la mise en état de la Cour d’Appel d’ORLEANS, saisi d’un incident d’irrecevabilité des conclusions d’intimée après l’expiration du délai de l’article 909 du code de procédure civile, a d’ailleurs décidé que « le circuit court (…) exclut la désignation du magistrat [de la mise en état], la procédure se déroulant sous l’autorité du Président de Chambre » pour écarter les demandes (ordonnance CME 1ère ch. Civ. 27 nov. 2014 RG 14/01943).

Il faut donc éviter de se hâter de saisir trop rapidement le conseiller de la mise en état et vérifier, notamment au visa des avis du greffe de la Cour, sa désignation comme le circuit pris par le dossier devant la juridiction d’appel.

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

Irrecevable un jour, irrecevable toujours

avocataaa — Jurisprudence
Irrecevable un jour, irrecevable toujours

Dans le cadre d’un arrêt rendu en son audience du 29 janvier 2015 (pourvois n°13-28019 & 1328020), la Cour de cassation précise la portée de la sanction d’irrecevabilité prononcée sur le fondement de l’article 909 du code de procédure civile en appel dans les matières avec représentation obligatoire.

Pour mémoire, aux termes de cet article, « L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l’article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident. »

Mais ce texte ne précise pas si l’intimé peut recouvrer la faculté de conclure tandis que l’irrecevabilité de premières conclusions aurait été prononcée.

Si la réponse laissait peu de la place à l’incertitude dans le cas où l’appelant n’avait pas complété et / ou modifié les premières conclusions notifiées au soutien de son recours, elle pouvait paraître moins tranchée dans le cas où l’appelant avait cru bon de profiter de l’aubaine générée par l’irrecevabilité et, pensant la voie libre, de signifier de nouvelles conclusions comportant moyens et demandes nouvelles et de communiquer de nouvelles pièces.

Les principes de droit conventionnel et notamment l’article 6§1 de la CESDH, tout comme le principe essentiel de la contradiction énoncé aux articles 15 et 16 du code de procédure civile auraient pu permettre d’imaginer une atténuation à la règle de l’article 909 précitée et permettre à l’intimé de trouver une porte de secours après le prononcé de l’irrecevabilité de ses premières conclusions – à tout le moins pour lui permettre de répliquer aux demandes et moyens qui jusque-là lui étaient encore inconnus et auxquelles il n’avait évidemment pas pu répliquer auparavant.

La seconde Chambre civile de la Cour de cassation s’est positionnée sans détour en énonçant dans l’arrêt précité que « l'irrégularité des premières conclusions de [l’intimée] la privait de la possibilité de conclure à nouveau ».

La portée de cet attendu doit être appréciée à la lecture du moyen de cassation développé. En l’espèce, le quatrième moyen du pourvoi relevait que l'intimée n'avait « pu avoir connaissance de la nouvelle argumentation de l'appelant lors du dépôt de ses premières conclusions déclarées irrecevables et n'avait pu y répondre » alors que dans le cadre d’une nouvelle argumentation modifiée, « l’appelant fondait sa nouvelle argumentation devant la juridiction du second degré sur des pièces qui n'avaient pas été communiquées en première instance et qui l'avaient été en appel après le dépôt des conclusions d'appelant et d'intimée ».

Ainsi, la sanction admise par la Cour de cassation apparaît d’une sévérité absolue, puisque la sanction d’irrecevabilité des conclusions de l’intimé – au regard du non-respect d’un délai de procédure – se prolonge indéfiniment.

Plus loin encore, les moyens développés par l’appelant dans son premier jeu d’écritures ont pourtant pu induire l’abstention sanctionnée de l’intimé.

Tant pis… A défaut d’avoir répondu à une argumentation originelle inepte, l’intimé se prive irrémédiablement de la possibilité de répondre à de futurs moyens et à de nouvelles pièces de l’appelant.

Cette solution apparaît tout de même quelque peu choquante, notamment du point de vue des dispositions conventionnelles que le juge interne se doit de respecter.

Cet arrêt n’est pas cependant pas destiné à être publié au bulletin de la Cour de cassation, restant donc un arrêt ‘honteux’ selon le terme consacré.

Faut-il y voir un doute sur la pérennité de la solution retenue par la seconde chambre dans l’attente de la saisine de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation ?

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 > >>