Le moyen illicite de preuve et la production indispensable et proportionnée au but poursuivi -Le cas de la copie de fichiers informatiques par le salarié
En vertu des articles 6 civil et 9 du code de procédure civile, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.
Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
La chambre sociale de la cour de cassation a récemment illustré et confirmé cette analyse. (cf. Soc 25 septembre 2024 pourvoi n°23-13.992)
En l’espèce, et pour établir le grief imputé à la salariée dans le cadre de son licenciement, l’employeur s’était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans une clé unique (Verbatim 64 GB) après le tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet, en présence d’un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n’ayant pas été ouverts par l’expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l’employeur, selon procès-verbal de constat.
La salariée s’était en effet connectée sur l’ordinateur de la dirigeante de l’entreprise et celui de sa collègue sans autorisation, et avait récupéré des données particulièrement sensibles auxquelles elle n’était pas censée avoir accès, faisant prendre un risque majeur à l’entreprise de voir ces données « se retrouver dans la nature » sur des clés USB non sécurisées, anéantissant ainsi tous les efforts consentis par l’employeur pour protéger ses données. De plus, l’intéressée, bien qu’elle ne fût pas en charge de la fabrication de produits, avait copié de sa propre initiative sur des clés USB lui appartenant, de nombreux fichiers en lien avec le processus de fabrication qu’elle avait l’intention d’emporter avec elle.
La Cour de cassation retient que la production du listing de fichiers tiré de l’exploitation des clés USB était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi. Elle valide donc le moyen de preuve utilisé par l'employeur dans le cadre du débat l'opposant à sa salariée.
Maître Alexis Devauchelle
Avocat spécialiste de l'appel
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