La question peut se poser de l'effet de l'appel formé par un débiteur à l'égard de ses codébiteurs lorsque ces derniers ne sont pas présents à l'instance d'appel.
La Cour de cassation a répondu à cette question au visa des articles 1355 du code civil et 480, alinéa 1, et 562 du code de procédure civile.
Ainsi, si un codébiteur solidaire néglige de former appel du jugement l’ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par l’autre codébiteur, ce jugement a force de chose jugée à son égard s’il est réformé sur l’appel du second. (Com., 1 mars 2023, n° 21-14.787).
Il appartient donc aux codébiteurs de participer à l'instance d'appel, puisque celle-ci ne peut leur bénéficier.
Le défenseur syndical doit-il justifier d'un mandat ad litem dans les litiges dans lesquels il peut intervenir pour représenter un salarié devant le Conseil des prud'hommes ou la chambre sociale de la Cour d'Appel ?
A cet égard, le Code de procédure civile dispose, son article 416, que seul l’avocat est dispensé de justifier d’un mandat de représentation.
Dès lors, le défenseur syndical doit justifier d’un tel mandat aussi bien devant les juridictions prud’homales de première instance que devant les cours d’appel, saisies de l’appel de leurs décisions. (2e Civ., 8 février 2024, n° 21-23.752)
La pièce communiquée par l’une des parties au procès peut être invoquée par une autre, sans que cette dernière soit elle-même tenue de la communiquer (Com. 4 septembre 2024 pourvoi n°22-19.387).
Il convient donc de s'assurer seulement qu'elle ait été produite valablement aux débats dans l'instance dans laquelle elle est évoquée.
L’aveu, qu’il soit judiciaire ou extrajudiciaire, exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques.
La reconnaissance, par une partie, des modalités de calcul de son préjudice ne constitue pas un aveu judiciaire, tandis que ses conclusions portent sur une appréciation en droit du contenu du préjudice indemnisable et ne constituent pas l’aveu d’un fait (2e Civ., 8 décembre 2022, n° 21-17.446).
La tentative de résolution amiable du litige n’est pas, par principe, exclue en matière de référé.
L’absence de recours à un mode de résolution amiable dans une telle hypothèse peut être justifiée par un motif légitime au sens de l’article 750-1, alinéa 2, 3°, du code de procédure civile.
Ainsi, une partie peut avoir intérêt à contester une décision prononçant la nullité d’une assignation en référé en l’absence de précision relative aux diligences entreprises en vue de la résolution amiable du litige (2ème Civ., 14 avril 2022, n° 20-22.886).
Depuis le 1er septembre 2024, la déclaration d’appel et la déclaration de saisine après cassation doivent répondre à de nouvelles exigences.
Le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023 dit de « simplification de la procédure d’appel en matière civile » a en effet apporté des précisions sur les formes désormais requises, ainsi qu’introduit des modifications notables sur celles-ci.
L’objectif de clarification de la réforme n’apparaît cependant pas atteint, puisque les sanctions aux manquements à ces actes ne sont pas toujours clairement évoquées.
1- L’APPEL DANS LES MATIERES AVEC REPRESENTATION OBLIGATOIRE
A propos de la déclaration d’appel telle qu’énoncée à l’article 901 nouveau du code de procédure civile, plusieurs points majeurs (au nombre de 6) doivent être évoqués successivement.
Le nouvel article 901 du code de procédure civile est désormais réécrit comme suit :
« La déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par un acte contenant, à peine de nullité :
1° Pour chacun des appelants :
Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
2° Pour chacun des intimés, l'indication de ses nom, prénoms et domicile s'il s'agit d'une personne physique ou de sa dénomination et de son siège social s'il s'agit d'une personne morale ;
3° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
4° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
5° L'indication de la décision attaquée ;
6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ;
7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement.
Elle est datée et signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision et sa remise au greffe vaut demande d'inscription au rôle. »
1.1- Les mentions de la déclaration d’appel quant à la désignation des parties sont précisées comme auparavant, sans plus aucun renvoi aux articles 54 et 57 du code de procédure civile, contrairement à ce qui avait été pratiqué jusque là.
Ces mentions n’ont toutefois pas changées.
Et un manquement à celles-ci induit une nullité de forme, sanctionnable uniquement si un grief est démontré par la partie adverse et si elle n’est pas complétée jusqu’à ce que le juge statue, et ce dans le cadre d’un incident introduit devant le Conseiller de la mise en état.
1.2- L’article 901 nouveau du code de procédure civile prévoit que la déclaration d’appel adressée par le RPVA peut comporter une annexe, notamment pour préciser l’objet de l’appel et mentionner les chefs attaqués de la décision soumise à la censure de la Cour.
La réponse déjà apportée à la question de la validité de l’annexe à la déclaration d’appel n’est pas remise en cause par le décret du 29 décembre.
Le décret ne remet en effet pas en cause la jurisprudence précédente portant sur la présence d’une annexe.
D’une part, le recours à l’annexe à la déclaration d’appel n’est pas subordonnée à l’existence d’un empêchement technique.
Son usage est donc complètement libre. D’ailleurs, le texte supprime l’expression « le cas échéant » qui figurait à l’article 901 ancien et qui avait amené la jurisprudence à la condamner, avant qu’un texte modificatif ne la valide ensuite.
Cf. Avis 8 juin 2022 n°22-70.005
D’autre part, il n’est pas obligatoire de préciser, dans le corps de la déclaration d’appel (fichier XML), qu’un fichier est joint à titre d’annexe (même si cela est conseillé). Cela n’induit aucune nullité ou privation de l’effet dévolutif de l’appel.
Cf. Civ 7 mars 2024 pourvoi n°22-23.522
1.3- L’objet de la demande en appel doit être désormais mentionné dans le corps de la déclaration d’appel (la fameuse petite case libre sur l’écran du RPVA).
Il faut donc préciser désormais si l’appel tend à l’infirmation ou l’annulation de la décision soumise à la censure de la Cour.
Cela constitue une modalité nouvelle qui n’était alors imposée par la jurisprudence que pour les conclusions d’appel, mais pas la déclaration d’appel.
Rien n’interdit pour l’auteur de la déclaration d’appel de préciser un double objet de son appel : infirmation et / ou annulation (voire même nullité), l’un pouvant être un subsidiaire de l’autre.
La jurisprudence applicable précédemment est caduque, puisque la Cour de cassation n’incluait pas cette exigence pour la déclaration d’appel, mais seulement pour les conclusions d’appel.
Le texte ne prévoit aucune autre sanction qu’une nullité de forme à l’égard d’un défaut de cette mention portant sur l’objet de l’appel. Il appartiendra cependant à la jurisprudence et donc aux juridictions de préciser les effets d’un éventuel manquement.
A ce titre, aux termes de sa circulaire du 2 juillet 2024, la Direction des Affaires Civiles et du Sceau a mentionné qu’il n’y avait aucune autre sanction sur ce point que celle de la nullité de l’article 901 alinéa 1 pour vice de forme, mais cela reste à déterminer, car le défaut peut également renvoyer à un appel dénué d’objet, et comme tel n’emportant pas saisine valable de la Cour, et - subséquemment - irrecevable.
Il est à craindre, en réalité, que l’acte qui ne mentionne pas l’objet du recours prive l’appel d’effet dévolutif, étant observé qu’il s’agit déjà de la position de la Cour de cassation quant à cette mention ‘obligatoire et sacramentelle‘ devant déjà figurer sur les conclusions d’appel et d’appel incident.
La caducité de la déclaration d’appel de ce chef pourrait donc être soulevée devant le Conseiller de la mise en état, ou le président de chambre, voire relevée d’office par la Cour de ce chef.
Cf. 2ème Civ. 4 nov 2021 pourvoi 20-15766
Cf. 2ème Civ. 23 mai 2024 pourvoi n°22-15408
1.4- Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués doivent encore figurer sur la déclaration d’appel, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement.
La réforme a donc précisé à cet égard « les chefs du dispositif du jugement » au lieu et place des « chefs du jugement ».
L’article 562 du code de procédure civile - relatif à l’effet dévolutif de l’appel - a été également modifié en ce sens et énonce désormais que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Toutefois la dévolution opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ».
A la lecture du décret, il y aurait donc lieu de se limiter à reprendre les éléments du dispositif de la décision attaquée, sans aller au-delà, notamment en cas d’omission de statuer par le premier juge.
Dans ce cadre, il faut encore relever :
Que l’exception précédente - qui portait sur les chefs indivisibles du jugement - a disparu, et ne permet plus de s’affranchir de la mention des chefs attaqués de la décision,
Mais que la signification des premières conclusions en appel permettra de compléter ces chefs attaquées le cas échéant, d’où le renvoi à l’article 915-2 du code de procédure civile.
1.5- Certains points de forme de la déclaration ont été maintenus, mais n’ont un intérêt que si l’appel doit être formé en version papier, dès lors qu’il existerait un empêchement technique extérieur à l’avocat susceptible d’empêcher sa transmission par RPVA et ainsi :
- La mention de la Cour saisie,
- La signature de l’avocat,
- & la date de remise de la déclaration d’appel.
1.6- Enfin, la déclaration d’appel entraine l’orientation de l’affaire (article 905) soit selon la procédure à bref délai avec information de la date possible de la clôture, soit devant le Conseiller de la mise en état.
A cet égard, il doit être observé que le greffe doit en aviser les avocats et formule une invitation de conclure une convention de procédure participative de mise en état.
2- L’APPEL DANS LES MATIERES SANS REPRESENTATION OBLIGATOIRE
Le décret modifie l’article 933 du code de procédure civile, qui guide la rédaction de la déclaration d’appel, et est rédigé comme suit:
« La déclaration d'appel comporte les mentions suivantes :
1° Pour chacun des appelants :
Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
2° S'il y a lieu, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour ;
3° Pour chacun des intimés, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle l'appel est formé ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
4° L'indication de la décision attaquée ;
5° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou l'annulation du jugement ;
6° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité. A défaut, la cour est réputée saisie de l'ensemble des chefs du dispositif du jugement.
La déclaration est datée, signée et accompagnée de la copie de la décision. »
Là encore, le renvoi aux dispositions de l’article 54 du code de procédure civile disparaît et l’article 933 s’autonomise donc.
Les points les plus saillants sont les suivants.
2.1- Primo, si l’objet de l’appel doit être précisé (infirmation / annulation), aucune sanction n’est expressément évoquée en cas de manquement à cette forme, et la Direction des affaires civiles et du Sceau précise encore que cette mention n’est assortie d’aucune sanction aux termes de sa circulaire.
Il convient d’être particulièrement prudent sur ce point, comme pour les matières avec représentation obligatoire, même si la Cour de cassation est très protectrice des intérêts des parties dans les matières sans représentation.
2.2- Secundo, s’il existe une obligation de mentionner les chefs du dispositif du jugement critiqué, l’article 933 nouveau du code de procédure civile précise qu’à défaut d’une telle mention, la cour est réputée saisie du tout.
Pour sa faciliter la tâche, il conviendra dans le cadre d’un tel appel de faire l’économie des mentions du dispositif du jugement, afin que la saisine de la Cour soit la plus large possible.
Le texte du décret lui-même induit une absence de sanction.
Le législateur a entériné là la jurisprudence, antérieure au décret, de la Cour de cassation
Cf. 2e Civ., 29 septembre 2022, n° 21-23.456.
2.3- La notion d’indivisibilité du litige disparaît également.
3- LES SOLUTIONS POSSIBLES POUR CORRIGER l’ACTE d’APPEL VICIE
L’élément prépondérant à mémoriser et que l’effet dévolutif ne découle que de l’acte d’appel et que les premières conclusions ne permettent ensuite qu’une légère inflexion de celui-ci.
A défaut de dévolution, la Cour d’appel s’estime non valablement saisie. Elle peut, le plus souvent, relever d’office cette difficulté.
Le Conseiller de la mise en état ou le Président de chambre peuvent également être saisis d’un incident de caducité de l’appel.
3.1- Ainsi, si la déclaration d’appel omet :
Soit de mentionner l’objet de l’appel (en qu’il induit une demande d’infirmation / ou d’annulation),
Soit de mentionner les chefs critiqués du dispositif de la décision attaquée,
il convient alors de déposer une seconde déclaration d’appel rectificative et ce, avant l’expiration du délai pour conclure.
La Jurisprudence l’autorisait d’ailleurs déjà antérieurement.
Cf. 2ème Civ. 30 janvier 2020 pourvoi n°18-22.528
Cf. 2ème Civ. 25 mars 2021 pourvoi n°20-12037 (pour la seule mention : réformer le jugement)
Il s’agit cependant de prendre considération le délai pour conclure qui court à compter de la première déclaration d’appel incomplète, cette première déclaration d’appel conservant son effet interruptif du délai pour interjeter appel.
Il faut bien sur s’abstenir de tout désistement du premier appel, puis solliciter la jonction des deux (ou trois…) appels formés successivement.
Sur cette question, Il faut cependant espérer que la Jurisprudence ne revienne pas sur sa position précédente, en y voyant là une pratique contra legem de la réitération d’un second appel sur un premier incomplet ne déférant pas l’affaire à la Cour, les textes ne la prévoyant pas.
Le conseil qui peut être donné est donc de régulariser cette seconde déclaration d’appel (cette fois avec l’ensemble des mentions requises) - si possible - dans le délai pour former appel et non pas seulement dans le délai pour conclure en appel.
3.2- Si la déclaration d’appel est seulement incomplète concernant les « chefs critiqués du jugement », l’appelant pourra compléter ces chefs dans le cadre de ses premières conclusions au soutien de l’appel (article 915-2 du code de procédure civile).
Dans ces circonstances, Il n’apparaît pas nécessaire de régulariser une nouvelle déclaration d’appel.
Mais la jurisprudence va assurément se développer pour apprécier le droit à compléter une première déclaration d’appel.
Quid notamment d’une unique saisine de la Cour avec une déclaration d’appel et des chefs évoqués ne portant que sur l’article 700 ou sur sans lien avec le complément figurant ensuite aux conclusions ?
Dans ces circonstances et au vu des multiples interrogations posées, la vocation simplificatrice de la réforme sera-t-elle accomplie ? Chacun appréciera…
Ce titre peut apparaître humoristique, mais recouvre une difficulté technique qui devient parfois un problème juridique.
Doit-on en effet signifier des conclusions à la Cour d'appel qui, nécessairement, devraient être visées sous l'onglet "Conclusions d'appel" voire "Dépôt / remise de conclusions" au RPVA, ou encourir sinon la sanction prévue de caducité de l'appel, pour l'appelant, ou d'irrecevabilité des conclusions, pour l'intimé ou l'intervenant ?
La question n'est pas aussi innocente qu'elle parait puisqu'elle a fait déjà l'objet d'une saisine du conseiller de la mise en état, et d'une réponse positive de celui-ci.
Heureusement, la chambre des déférés d'ORLEANS a réformé cette décision sévère selon un arrêt rendu le 13 novembre 2024 (RG 24/00683).
Elle retient à cet égard, et c'est heureux, que l’exigence formelle du choix de l’onglet « conclusions » pour remettre ses écritures au greffe n’est prévue par aucun texte réglementaire ou légal qui s’imposerait aux auxiliaires de justice. L’appel a pu être ainsi jugé non atteint par la caducité et les conclusions d'appel recevables.
En vertu des articles 6 civil et 9 du code de procédure civile, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.
Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
La chambre sociale de la cour de cassation a récemment illustré et confirmé cette analyse. (cf. Soc 25 septembre 2024 pourvoi n°23-13.992)
En l’espèce, et pour établir le grief imputé à la salariée dans le cadre de son licenciement, l’employeur s’était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans une clé unique (Verbatim 64 GB) après le tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet, en présence d’un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n’ayant pas été ouverts par l’expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l’employeur, selon procès-verbal de constat.
La salariée s’était en effet connectée sur l’ordinateur de la dirigeante de l’entreprise et celui de sa collègue sans autorisation, et avait récupéré des données particulièrement sensibles auxquelles elle n’était pas censée avoir accès, faisant prendre un risque majeur à l’entreprise de voir ces données « se retrouver dans la nature » sur des clés USB non sécurisées, anéantissant ainsi tous les efforts consentis par l’employeur pour protéger ses données. De plus, l’intéressée, bien qu’elle ne fût pas en charge de la fabrication de produits, avait copié de sa propre initiative sur des clés USB lui appartenant, de nombreux fichiers en lien avec le processus de fabrication qu’elle avait l’intention d’emporter avec elle.
La Cour de cassation retient que la production du listing de fichiers tiré de l’exploitation des clés USB était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi. Elle valide donc le moyen de preuve utilisé par l'employeur dans le cadre du débat l'opposant à sa salariée.
Selon l’article 38 de la loi n° 55-366 du 3 avril 1955, toute action portée devant les tribunaux de l’ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l’Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l’impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée, à peine de nullité, par ou contre l’Agent judiciaire de l’Etat.
La mesure d’instruction sollicitée avant tout procès s’effectue contradictoirement et n’a pas pour objet de faire déclarer l’Etat créancier ou débiteur.
Dès lors, pour les référés in futurum menés sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la présence à la cause de l'Agent judiciaire de l'Etat n'est pas un préalable obligatoire (cf. 2e Civ., 8 septembre 2022, n° 21-14.242).
Dans le cadre de cette présentation, il ne s’agit pas de reprendre les éléments déjà connus et déjà pratiqués devant les juridictions d’appel, notamment depuis le décret Magendie du 9 décembre 2009, qui a fixé les nombreux délais et sanctions applicables en appel, mais bien plus de tenter de cerner les éléments nouveaux depuis le 1er septembre 2024 découlant du décret du 29 décembre 2023 'portant simplification de la procédure d’appel en matière civile’.
Il faut dire que, une fois de plus, ce n’est pas dans le texte stricto sensu du décret qu’il faut chercher les éventuels écueils nouveaux de procédure, mais bien plus, dans son silence ou ses sous-entendus.
* * *
Je rappellerai brièvement que depuis plusieurs années et près de quinze ans, la procédure civile d’appel a été profondément réformée à travers différents textes successifs, à savoir notamment :
Le décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009, dit décret Magendie,
Le décret modificatif n°2010-1647 du 28 décembre 2010,
Le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, relatif notamment aux exceptions d’incompétence,
Le décret fourre-tout n°2020-1452 du 27 décembre 2020.
Au fil de ces différents textes, les devoirs procéduraux des parties se sont considérablement accrus, notamment en termes de délais pour agir et conclure. D’autre part, les sanctions en cas de manquement se sont multipliées et aggravées.
Dans le cadre des différents décrets de procédure, l’attention du législateur s’est portée principalement :
sur la forme de l’acte d’appel, et ses mentions obligatoires,
sur la forme des conclusions d’appel, et leurs mentions,
outre l’aspect temporel de la procédure, à travers la concentration des moyens imposée aux parties, ainsi que les délais pour les exprimer.
Les sanctions imposées par ces réformes ont acquis un caractère automatique : caducité de la déclaration d’appel / irrecevabilité des conclusions.
De surcroît, elles peuvent être le plus souvent soulevées d’office.
N’oublions pas qu’il y a quelques années la principale sanction du défaut d’une partie consistait en la radiation de l’affaire du rôle de la Cour, et l’éventuelle perte du caractère alors encore suspensif de l’appel (prévue à l’article 915 ancien du code de procédure civile).
Ces complexifications successives ont entraîné l’apparition d’un contentieux propre à la régularité de l’appel, ainsi que des procédures devant le Conseiller de la mise en état, et - parallèlement - une aggravation de la sinistralité de la profession d’avocat.
Enfin, la jurisprudence relative à la procédure d’appel est abondante, alimentant parfois un sentiment d’insécurité juridique pour les praticiens. Il suffit de se reporter aux bulletins de la Cour de cassation pour constater que chaque mois de l’année apporte sa kyrielle de questions nouvelles et d’interprétations des textes.
* * *
Il convient d’évoquer deux premiers points d’introduction.
I- Sur l’entrée en vigueur de la réforme
Le décret nouveau s‘applique aux instances introduites par déclaration d’appel ou par déclaration de saisine après cassation à compter du dimanche 1er septembre 2024.
La règle est simple et ne souffre guère d’interprétation ou d’aléa. Le critère temporel est unique : c’est celui de la date de la déclaration au RPVA, soit d’un appel, soit après un arrêt de cassation avec renvoi, emportant saisine de la Cour.
Les instances d’appel introduites antérieurement au 1er septembre 2024 ne bénéficieront pas des règles nouvelles.
Deux régimes vont donc coexister, durant quelques années, jusqu’à épuisement du contentieux ancien. Il s’agira de ne pas l’oublier.
Le choix du législateur est ainsi différent de celui opéré pour le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024, dit ‘Magicobus n°1’, qui s’applique aux instances en cours.
II - Sur les objectifs de la réforme
L’objectif poursuivi par la réforme, tel que précisé dans la circulaire de présentation Ministère de la Justice du décret, en date du 2 juillet 2024, est double.
Primo, le décret tend à rendre plus lisible, plus claire, la procédure d’appel.
Le législateur a donc constitué un ensemble de textes, unique et autonome, pour la Cour d’Appel avec une numérotation modifiée. Il n’y a désormais plus de renvoi à la procédure de première instance, par disparition de l’article 907 ancien.
Par ailleurs, Des notions ambiguës - comme celle de « l’indivisibilité du litige » ou des « chefs du jugement » - ont été supprimées.
Des règles dégagées par la Jurisprudence ont été intégrées au corpus règlementaire désormais applicable.
Enfin, le rôle et les pouvoirs spécifiques du CME et du Président de Chambre sont précisés.
Certains auteurs voient dans la norme nouvelle une sorte de mode d’emploi professionnel et non plus des règles à portée générale. Mais, il s’agit d’une voie empruntée régulièrement par notre législateur dans de nombreux domaines, et depuis longtemps.
Secundo, le décret a fait oeuvre d’une certaine souplesse - limitée toutefois - mais nouvelle au profit des parties.
D’une part, dans une certaine mesure (et pour les chefs du jugement critiqués), les parties sont désormais autorisées à compléter leur acte d’appel dans leurs premières conclusions.
D’autre part, les délais de la procédure en circuit court - dite à ‘bref délai’ - sont allongés.
Les délais de procédure dans les différentes procédures ont même presque une certaine tendance à s’unifier.
De plus, le Juge d’appel peut également moduler les délais dont disposent les parties pour conclure, en les réduisant (comme auparavant), mais également en les allongeant.
Enfin, une invitation à pratiquer la mise en état conventionnelle est présentée aux parties.
* * *
Il ne faut évidemment pas se leurrer.
La simplification énoncée de la procédure d’appel n’est pas au goût du jour.
Ni les délais, ni les sanctions ne sont remis en cause dans leur principe et, dans l’ensemble, dans leurs modalités.
Si des mesures nouvelles sont arrêtées, elles auront essentiellement pour effet d’alléger les charges des juridictions, notamment celles des Conseillers de la mise en état, mais aucunement celles des auxiliaires de Justice.
Au contraire, les nouvelles normes instituées vont susciter de nouvelles interrogations et de nouveaux risques, qu’il nous faut tenter de percevoir avance anticipation et évaluer.
Notamment, le défaut de sanction clairement évoquée par certains textes à l’égard de certaines obligations procédurales - et par la Direction des Affaires civiles et du Sceau, dans sa circulaire du 2 juillet 2024 - ne permet aucunement d’affirmer que de sanction il n’y en aurait point.
Là encore, c’est à une analyse en creux des dispositions applicables qu’il faut de livrer pour aboutir à la conclusion que l’Art de la procédure d’appel est complexe et dangereux.