Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le site des avocats "triple AAA"

Le site des avocats "triple AAA"

L'Avocat Ancien Avoué, le spécialiste de la procédure d'appel consacré par la Loi du 25 janvier 2011, Par Maître Alexis Devauchelle, avocat, Orléans

Doctrine

Devoir de secours et procédure d’appel

avocataaa — LégislationDoctrine

 

 Dans le cadre de la procédure de divorce, le juge conciliateur dispose de la faculté de mettre à la charge d’un des époux et au profit de l’autre une pension alimentaire destinée à assurer le devoir de secours.

Ce devoir de secours peut-il être impacté par la procédure d’appel et notamment par un appel de la décision se prononçant sur le divorce et les mesures accessoires ?

 

Il n’est en effet pas rare que le conjoint qui forme appel de la décision qui prononce le divorce ne critique pas le prononcé même du divorce, mais se limite à contester les mesures accessoires au prononcé et la prestation compensatoire et ce, tant dans son principe que dans son quantum.

Or la procédure d’appel en sa nouvelle mouture - telle qu’issue du décret n°2017-0891 du 6 mai 2017 applicable pour une majeure partie aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 – peut être de nature à impacter l’exigibilité et le maintien du devoir de secours.

 

La question est de savoir si le caractère définitif du divorce peut être désormais acquis nonobstant l’appel et produire ses effets sur l’exigibilité de la pension alimentaire fixée par le juge conciliateur au titre du devoir de secours.

La question subséquente est celle de la juridiction éventuellement compétente pour connaître de la question.

 

L’article 212 du code civil prévoit que les époux se doivent mutuellement secours et assistance et, c’est sur ce fondement juridique que le juge conciliateur fixe le principe et le montant de la pension alimentaire due par un époux à son conjoint.

La jurisprudence enseigne classiquement que cette obligation subsiste jusqu’à ce que la décision prononçant le divorce soit devenue définitive (cf. Civ. 2ème 12 juil 1972 pourvoi n°71-14452).

Une décision définitive s’entend traditionnellement, pour la jurisprudence, d’une décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée (Cass. 3ème 4 mai 2016 pourvoi n°15-14892).

Spécifiquement en matière du divorce, et par exception, cette jurisprudence doit être combinée avec les dispositions de l’article 1086 du code de procédure civil qui énoncent que le délai de pourvoi en cassation et le pourvoi lui-même suspendent l’exécution de la décision qui prononce le divorce.

 

Or la jurisprudence a longtemps retenu que la pension alimentaire allouée par l’ordonnance de non-conciliation ne cesse pas d’être due à compter de la date à laquelle a cessé l’obligation de secours, mais seulement à compter de la date de rejet du pourvoi formé à l’encontre de la décision statuant sur le divorce (Civ. 2ème 10 avril 1991 pourvoi n°90-12170).

Aux termes de cette jurisprudence, la Cour de cassation a admis que malgré l’acquisition du caractère définitif du divorce et l’impossibilité pour l’auteur du pourvoi de contester le principe du divorce lui-même (la décision lui étant favorable de ce chef), il n’en demeure pas moins que la pension alimentaire due au titre du devoir de secours subsiste jusqu’à l’arrêt de rejet de la Cour de cassation (voire même au-delà en cas de cassation et de renvoi devant une Cour d’appel).

Ainsi, le jugement de divorce n’acquiert ce caractère irrévocable qu’après l’épuisement des voies de recours ou après l’expiration des délais de recours, ensuite d’une signification valable du jugement prononçant le divorce.

 

La Cour de cassation a cependant fait évoluer sa position et a précisé la date à laquelle le principe du divorce devenait irrévocable en ces termes : « l'arrêt qui prononce le divorce pour faute dont seules les dispositions relatives aux conséquences financières sont frappées d'un pourvoi principal et d'un pourvoi incident, devient irrévocable à la date d'expiration du délai ouvert pour former pourvoi incident. » (Civ. 2ème 2 nov. 1994 pourvoi n°92-17393).

Plus avant encore, en 1999, la Cour de cassation a considéré que la prestation compensatoire était exigible à compter du jour où le jugement de divorce passait en force de chose jugée, notamment en raison d’un pourvoi limité aux chefs du jugement relatifs aux autres mesures accessoires (Civ. 2ème 8 juill. 1999 pourvoi n°98-12398).

 

Au regard de ces dernières jurisprudences et à transposer l’analyse à laquelle s’est livrée la juridiction suprême en 1994 et 1999, le caractère irrévocable du divorce serait acquis au jour où l’appel serait définitivement tenu pour fermé aux époux et spécialement à l’époux créancier d’aliments.

Devant la Cour d’Appel, même à supposer que l’appel exclut toute critique du chef du prononcé du divorce, l’épouse en général reste habile à en discuter et même à former une contestation de ce chef.

Cette discussion, pour autant qu’elle serait manifestement irrecevable pour défaut d’intérêt, ne pourrait être tranchée que par la Cour d’Appel statuant au fond, ce qui lui renverrait l’appréciation du caractère irrévocable du jugement de divorce et permettrait encore de maintenir l’obligation au devoir de secours artificiellement pendant toute la durée de la procédure.

 

Le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 a cependant opéré une forme de transposition de la procédure de cassation à la procédure d’appel.

Pour mémoire, il sera rappelé que la majorité des dispositions de ce décret est entrée en vigueur pour les procédures d’appel introduites à compter du 1er septembre 2017 et affecte donc les procédures menées dès les déclarations d’appel déposées au Greffe des Cours à compter de cette date (cf. décret 2017-1227 du 2 août 2017).

Notamment, l’article 910-4 dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 6 mai 2017 oblige les parties à présenter, dès leurs premières conclusions signifiées en cause d’appel, l’ensemble de leur prétentions sur le fond et ce, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office ».

Cette disposition pourrait donc permettre de calquer sur la procédure d’appel l’analyse à laquelle s’est livrée la juridiction suprême aux termes de son arrêt du 2 novembre 1994.

En effet, il pourrait être affirmé, en démarquant les attendus de l’arrêt précité de 1994, que le jugement qui prononce le divorce dont seules les dispositions relatives aux conséquences financières sont frappées d'un appel principal et d'un appel incident, devient irrévocable à la date d'expiration du délai ouvert pour former appel incident.

 

En conséquence, devant la Cour d’appel, il appartiendrait à l’époux débiteur du devoir de secours de saisir la juridiction du Conseiller de la mise en état par voie de conclusions à l’effet de voir juger du caractère définitif du chef du divorce et de voir ordonner l’arrêt du versement de la pension due au titre du devoir de secours et ce sur le fondement combiné des articles 771 4°, 914 et 1119 du code de procédure civile.

Un recours devant la chambre des déférés pourra être éventuellement ensuite formé à l’encontre de cette décision dans les 15 jours de son prononcé, en conformité avec les dispositions de l’article 916 du même code.

Au regard de ce qui précède, la saisine du conseiller de la mise en état ne pourrait toutefois intervenir efficacement qu’après la signification des conclusions au fond de la partie appelante et des conclusions de intimé, lesquelles ne contiendraient aucune remise en cause du principe du divorce.

Au vu des éléments ci-avant développés et spécialement de la jurisprudence de la Cour de cassation précitée, il apparaît qu’un recours devant le conseiller de la mise en état à l’effet de voir juger du caractère définitif du divorce du fait du caractère limité de l’appel pourrait prospérer et porter ses fruits dès lors qu’il serait introduit postérieurement aux conclusions de la partie appelante et de la partie intimée, et que celles-ci ne remettraient pas en cause de le principe du divorce.

 

La question posée est cependant tout à fait épineuse et la réponse envisagée – nullement évidente - viendrait à abattre la position jusque-là adoptée par les juridictions d’appel.

Au surplus, il convient de rappeler, à toutes fins, qu’en la matière, la saisine du conseiller de la mise en état n’interrompra pas les délais pour conclure au fond, tels que fixés aux articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile.

Le décret du 6 mai 2017 recèle peut être une nouveauté en la matière, qui viendrait au secours des époux débiteurs d’un devoir de secours face à des procédures d’appel pouvant parfois s’éterniser…

 

 

La fragilité accrue de l’appel incident

avocataaa — Doctrine

A la suite de récents arrêts de la Cour de cassation, rendus notamment dans le courant du mois d’octobre 2016, il est apparu nécessaire de synthétiser les règles applicables à l’appel incident dans les matières avec représentation obligatoire, au rang desquelles figurent désormais – et depuis le 1er août 2016 - les appels incidents des décisions rendues par les conseils de prud’hommes.

 

Si les règles initiales de l’appel incident semblent relativement simples (I), leur interprétation par la Cour de cassation et leur interpénétration avec les autres règles applicables aux autres parties à l’instance d’appel rendent leur appréhension plus délicate qu’il n’y parait (II).

 

I- C’est en un seul texte que les obligations de la partie intimée sur le recours formé devant la Cour d’appel sont exprimées.

L’article 909 du code de procédure civile oblige l’intimé à conclure dans les deux mois de la signification des conclusions de l’appelant.

C’est dans ce même délai de deux mois que l’intimé doit former appel incident s’il entend à son tour remettre en cause tout ou partie de la décision de première instance soumise à la censure de la Cour d’Appel.

C’est encore dans ce même délai que l’intimé doit former un appel provoqué à l’encontre d’une partie non intimée en appel à l’égard de laquelle il entend également remettre en cause tout ou partie de cette décision de première instance, cet appel provoqué devant être alors formé par assignation.

 

Il doit être ajouté qu’un intimé n’est pas tenu de signifier ses conclusions à un co-intimé défaillant à l’encontre duquel il ne formule aucune prétention, sauf en cas d’indivisibilité entre les parties, ou lorsqu’il sollicite la confirmation du jugement contenant des dispositions qui lui profitent et qui nuisent au co-intimé défaillant (Cour de cassation, Avis n° 01200003 du 2 avril 2012 Demandes d’avis n° 1200002 et 1200003).

 

La sanction du défaut de signification de conclusions dans ce délai de deux mois est l’irrecevabilité des conclusions hors délai, étant observé que cette sanction peut être prononcée d’office par le conseiller de la mise en état. En pratique, les délais de procédure étant surveillés avec attention par les Greffes des cours d’appel, il est donc très important pour le conseil processualiste de les suivre et de ne pas miser sur l’inattention de son adversaire au litige.

La Cour de cassation a complété le texte en décidant de surcroît que doivent être écartées des débats les pièces produites en même temps que des conclusions jugées irrecevables sur le fondement de l’article 909 (Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 décembre 2014, pourvoi n°13-27501, Publié au bulletin).

La Cour de cassation a également précisé que l’irrégularité des premières conclusions de l’intimé le prive de la possibilité de conclure à nouveau (Cour de cassation 2ème Civ. 29 janvier 2015 pourvoi n°13-28019 & 13-28020) comme de soulever un moyen de défense ou un incident d'instance (Cour de cassation 2ème Civ. 28 janvier 2016 pourvoi n°14-8712, Publié au bulletin).

 

II- Aussi simples que puissent apparaître les dispositions de l’article 909, il n’en demeure pas moins que le sort de l’appel incident peut se trouver ébranlé – voire mis à néant de manière irréversible et définitive – tandis que l’appel principal viendrait lui-même à disparaître précocement.

Ainsi, selon la juridiction suprême, l’appel incident, peu important qu’il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité de l’appel principal.

Ensuite de la caducité de l’appel principal, l’instance d’appel est éteinte, de sorte que la Cour d’appel ne peut être saisie de l’appel incident (Cour de cassation 2ème chambre civile, 13 mai 2015, pourvoi n°14-.13.801).

Par cette décision de mai 2015, la Cour de cassation entame sérieusement sa lecture habituelle des dispositions de l’article 550 du code de procédure civile qui permettaient de considérer que valait appel principal l’appel incident ou provoqué formé, même alors que l’appel principal serait jugé irrecevable, s’il avait été formé dans le délai pour agir à titre principal.

Plus encore, la Cour de cassation a-t-elle jugé à plusieurs reprises que du fait de son abstention, alors que cette voie de recours lui est ouverte dans les conditions prévues par l'article 550 du code de procédure civile, l’intimé n'est plus recevable à relever ensuite appel principal du jugement précédemment attaqué. La date de la signification de ce dernier est même jugée indifférente. (Civ. 2ème 13 octobre 2016 pourvoi n°15-25926 - Civ 2ème 4 décembre 2014 pourvoi n°13-25684 inédit - Civ. 2ème 7 avril 2016 pourvoi n°15-12770 inédit).

 

On voit, à travers ces décisions, que la portée de la caducité de l’appel principal dépasse le cadre juridique habituel de cette sanction, puisque cette caducité de l’appel met un terme à l’appel incident et, de surcroît, interdit à l’intimé de former un nouveau recours.

 

Enfin et par une exacte application des dispositions de l’article 548 du code de procédure civile, lorsqu’un jugement contient plusieurs chefs distincts et qu’une partie interjette appel seulement de l’un deux, l’intimé peut appeler incidemment des autres chefs.

Cet intimé ne peut voir son appel incident être rejeté au motif que son appel incident porterait sur un chef non déféré à titre principal et après l’expiration du délai pour ce faire (Civ. 2ème 13 octobre 2016 pourvoi n°15-21973).

 

En conséquence de ces jurisprudences récentes, l’intimé au recours en appel doit nécessairement s’interroger sur son intérêt à former un appel principal – en plus de se constituer sur l’appel de son adversaire - pour éviter de se voir couper l’herbe sous le pied par une décision de caducité sur laquelle il n’aurait eu aucune impulsion et qui le priverait de manière définitive de ses droits.

 

Par Maître Alexis Devauchelle, spécialiste de l’appel

Avocat au Barreau d’Orleans

12 rue de la République

45000 ORLEANS

avocat-devauchelle@orange.fr

Recevabilité à « géographie variable » des conclusions d’Appel dénoncées via le RPVA

avocataaa — Doctrine

Les règles récentes imposées en matière de communication électronique via le « Réseau Privé Virtuel Avocat » (alias RPVA) dans les matières avec représentation obligatoire troublent quelque peu les pratiques en matière de dénonciation des conclusions entre avocats.

Or, les conséquences d’une irrégularité en la matière sont particulièrement graves au regard des sanctions prévues par le décret Magendie du 9 décembre 2009 tandis que c’est soit la caducité de la déclaration d’appel soit l’irrecevabilité des conclusions qui est encourue.

Il convient donc que les conclusions soient soigneusement dénoncées conformément aux règles applicables et qu’il puisse être justifié d’une telle dénonciation.

 

Il convient d’abord de rappeler les règles applicables telles qu’issues du code de procédure civile.

Selon l'article 672 du code de procédure civile relatif à la notification entre avocats, la signification est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire.

Selon l'article 673, également relatif à la notification entre avocats, la notification directe s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé.

En pratique, la dénonciation se faisait donc soit par voie d’acte du Palais par l’intermédiaire d’un Huissier de Justice soit directement à l’avocat constitué contre émargement.

 

Des arrêtés des 23 décembre 2010 (JORF du 29 décembre 2010), 30 mars 2011 (JORF 31 mars 2011) et 18 avril 2012 (JORF n°0109 du 10 mai 2012) sont venus compléter et complexifier le dispositif.

L’objectif du RPVA visé par ces arrêtés est de permettre des échanges dématérialisés d’actes de procédures, ainsi que l’énoncent d’ailleurs également les articles 748-1 et 930-1 du code de procédure.

Cependant, il faut se garder de croire que tout échange d’acte est désormais possible et autorisé par cette voie.

Devant les Cours d’Appel, et à compter du 1er septembre 2011, l’arrêté du 30 mars 2011 a précisé que seules les déclarations d’appel et les constitutions d’avocat devaient être effectués par voie électronique (articles 2 et 3).

A cet égard, les avoués ont fait les frais du processus de dématérialisation au second degré, devant s’équiper pour effectuer ces actes pour les quatre derniers mois de leur existence professionnelle pour certains (la Loi du 25 janvier 2011 portant modification des règles de représentation en cause d’appel – et suppression de la fonction d’avoué à la Cour- étant entrée en vigueur dès le 1er janvier 2012).

L’arrêté du 18 avril 2012 a ensuite expressément énuméré les Cours d’Appel devant lesquelles les conclusions des avocats devaient également être dénoncées par voie électronique via le RPVA.

Ainsi, s’il ressort des articles 2 et 4 de l'arrêté du 18 avril 2012 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, qu'entre auxiliaires de justice, les conclusions peuvent être remises par voie électronique, que celles-ci sont communiquées en pièce jointe d'un message électronique, que la réception de ce message génère un avis de réception à destination de ses expéditeurs et que cet avis tient lieu de visa par la partie destinataire au sens de l'article 673 précité, il résulte de l'article 5 du même arrêté que ces dispositions ne sont applicables qu’à un nombre limité de Cours d'appel, expressément énumérées à savoir : Agen, Aix, Dijon, Douai, Grenoble, Lyon, Reims, Rennes, Toulouse et Versailles.

 

En l'état actuel des textes réglementaires, concernant les Cours d’Appel exclues de l’application de l’arrêté du 18 avril 2012, la notification des conclusions entre avocats ne peut s'opérer que par la signification de l'article 672 ou par la notification directe de l'article 673, à l'exclusion d'une communication par voie électronique.

La Cour d’Appel de PARIS a déjà entériné cette analyse (CA PARIS Chambre 1 pôle 3 Ordonnance du 19 juin 2012 de M. le Président CHAUVIN RG 11/19258).

Il semble que le Législateur, par la multiplicité des textes qu’il a édicté sur cette question, a laissé des différences d’application considérables des règles se perpétuer sur le territoire de la République au détriment non seulement du principe d’Egalité des citoyens devant la Loi, mais encore de la sécurité juridique minimale que ces mêmes citoyens sont en droit d’attendre de la part de l’institution judiciaire.

Il faudra attendre le 1er janvier 2013 pour que cette anomalie ne soit plus qu’un (mauvais) souvenir…

Mais d’ici là, il convient de bien vérifier les règles applicables, au risque sinon de connaître de graves déboires tandis que la juridiction d’appel devra se considérer non valablement saisie de conclusions n’ayant pas été valablement dénoncées et appliquer d'office les sanctions idoines précitées.

 

 

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

Analyse modeste de l’avis n°1200005 du 25 juin 2012 de la Cour de cassation sur la communication des pièces en cause d’appel

avocataaa — Doctrine


                                      
Le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile a modifié les contours de notre procédure civile d’appel dans les matières avec représentation obligatoire, notamment en supprimant les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 132 du code de procédure civile, lequel précisait qu’en cause d’appel une nouvelle communication des pièces déjà versées aux débats n’était pas exigée mais pouvait être demandée, et en créant une disposition nouvelle sous son article 2 : l’article 906 du code de procédure civile.
Cet article 906 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret stipule en son premier alinéa :
« Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avoué de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avoués constitués. »
 
Jusqu’au 25 juin 2012, la Cour de cassation ne s’était pas encore prononcée sur la sanction de l’absence de communication de pièces simultanément aux conclusions.
Avant l’avis n°1200005 du 25 juin 2012, les pièces justificatives pouvaient être produites jusqu’au jour de l’ordonnance de clôture de l’instruction ou au jour des débats dans les procédures à jour fixe, sous la condition générale toutefois de respecter le principe du contradictoire.
Les conclusions pouvaient également être signifiées avant toute communication de pièces, pourvu qu’elles respectent les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile – et comportent notamment un bordereau récapitulatif des pièces visées - sans que cela n’entraîne ni l’irrégularité de la communication postérieure, ni l’irrecevabilité desdites pièces.
Ces points ne faisaient aucunement difficulté.
 
Cependant, la Cour de cassation a provoqué un véritable séisme dans le droit judiciaire privé et les pratiques judiciaires jusque là employées au second degré de juridiction au travers de son avis n°1200005 du 25 juin 2012.
Les termes clairs de la demande d’avis et l’avis lui-même sont énoncés ci-après :
« Vu la demande d’avis formulée le 21 mars 2012 par la cour d’appel de Paris, reçue le 5 avril 2012, dans trois instances (n° RG 12/01114, 12/01120 et 11/21611) relative à la sanction du défaut de communication simultanée des pièces dans les délais prévus par les articles 908 et 909 du code de procédure civile au regard des dispositions de l’article 906 du même code ainsi qu’à la possibilité de produire après l’expiration de ces délais des pièces qui n’auraient pas été visées dans les conclusions signifiées dans les délais des articles précités.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lathoud, avocat général entendu en ses observations orales ;
EN CONSÉQUENCE,
EST D’AVIS QUE :
Doivent être écartées les pièces, invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions. »
 
Extra legem, La Cour de cassation, présidée par Monsieur LAMANDA, Premier Président, inscrit une sanction non expressément prévue par le texte lui-même et ce, sans la moindre explication, tout en s’abstenant de répondre complètement à l’ensemble des questions posées.
Il est étonnant que la plus haute juridiction judiciaire française rende un avis contraire tant au rapport de Monsieur ALT conseiller référendaire que de l’avis de Monsieur LATHOUD avocat général, dont la lecture laissait présumer que la Cour de cassation se prononcerait plutôt sur une absence de sanction en cas de communication non simultanée aux conclusions d’appel des pièces justificatives.
 
Comment appréhender la nouvelle donne imposée par la Cour de cassation ?
La Cour de cassation entend-elle bannir toute communication de pièce après la signification des conclusions ?
Entend-elle également interdire désormais toute communication sans signification de nouvelles conclusions ou de conclusions avec un bordereau complété et ce, le jour même du dépôt des conclusions ?
Cela nécessiterait alors une réécriture des articles 15 et 132 du code de procédure civile, l’article 15 prévoyant que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de preuve qu’elles produisent (…) », lequel constitue rappelons-le un des principes directeurs du procès.
 
La Cour de cassation, en rédigeant son avis, ne précise pas si les parties peuvent produire de nouvelles pièces, postérieurement aux premières conclusions.
Convient-il de penser dorénavant le procès d’appel comme un litige définitivement figé dès la fin des débats ayant lieu devant les premiers juges, limitant la saisine de la Cour d’Appel à une critique de l’analyse de la juridiction de première instance ?
 
En l’absence de disparition des autres règles fondamentales de la procédure, et en l’absence de la réorientation de la procédure d’appel vue comme voie d’achèvement du procès et non comme simple voie de réformation du jugement soumis à la censure du second degré de juridiction, cette solution n’apparaît pas conforme aux règles du droit processuel.
Il paraît donc toujours possible à chacune des parties de procéder à des communications complémentaires.
Décider du contraire, aboutirait d’ailleurs à créer une inégalité entre l’appelant et l’intimé, ce dernier disposant de deux mois supplémentaires pour procéder à la réunion de pièces justificatives complémentaires.
Décider du contraire, aboutirait encore à priver l’appelant de répliquer à la communication de pièces nouvelles par l’intimé par des justificatifs également nouveaux et à créer une autre inégalité.
En outre, la procédure à jour fixe prévue par les dispositions des articles 917 et suivants du code de procédure civile deviendrait, concernant la production des pièces, moins restrictive que la procédure ordinaire.
 
Une autre question plus impertinente encore peut tarauder le lecteur de l’avis du 25 juin. Si la Cour de cassation imagine une véritable indivisibilité entre la signification des conclusions et la communication des pièces, doit-on imaginer comme irrecevables à leur tour les conclusions qui auraient été signifiées sans incorporer un bordereau récapitulatif complet ?
 
 
Par ailleurs, quelle est la juridiction appelée à connaître de l’irrecevabilité des pièces projetée par la Cour de cassation ?
S’agirait-il du conseiller de la mise en état ou de la Cour saisie du fond, qui devrait alors éventuellement se saisir d’un moyen non soulevée par les parties, non substantiel et n’apparaissant pas comme d’ordre public ?
La question est sans réponse à ce jour de la part de la Cour de cassation.
 
Pour achever l’analyse, une régularisation de la communication est-elle possible ?
En l’état des textes, rien ne semble l’interdire.
Il suffirait donc de produire l’ensemble des pièces en signifiant le jour même les conclusions comprenant le bordereau récapitulatif des pièces ainsi communiquées pour éviter toute irrecevabilité et l’application stricte de l’avis aujourd’hui analysé.
 
 
Enfin, l’interrogation la plus importante est peut-être de savoir si la position adoptée par Monsieur le Premier Président LAMANDA est anecdotique, voire accidentelle ou si elle s’inscrit dans un mouvement et une réflexion plus amples de bouleversement des règles judiciaires ?
La Cour de cassation veut-elle pour autant transformer les règles de la procédure d’appel dans les matières civiles et commerciales avec représentation obligatoire et cet avis est-il annonciateur d’autres règles procédurales plus coercitives à venir ?
On peut très sérieusement y songer.
Le modeste rédacteur de ces lignes s’autorise à penser que la volonté de réforme actuelle de l’institution judiciaire est très profonde et qu’à travers son avis, la Cour de cassation a souhaité faire preuve d’une grande rigueur dans l’interprétation des règles découlant du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 et laisser deviner quelles seraient ses intentions pour l’avenir.
D’une part, le projet initial de Monsieur le Premier Président MAGENDIE a bien été de refondre les règles de la procédure d’appel en ajoutant des formes et des délais complémentaires pour maîtriser l’écoulement du temps de l’instance d’appel.
Monsieur le Premier Président LAMANDA ne fait donc que suivre le tracé existant et l’esprit qui gouvernait la réforme.
D’autre part, déjà des protocoles concernant la forme des écritures d’appel ont été signés par le Barreau de Paris et les barreaux de la couronne parisienne. D’autres magistrats de Cours d’Appel appellent de leurs vœux une généralisation de ce formalisme. De plus, certaines juridictions internationales le pratiquent déjà.
Là aussi, le sillon est creusé.
Au surplus, les règles processuelles dans les matières sans représentation obligatoire font l’objet de vives et régulières critiques, du fait de leur imprécision. En termes d’égalité et d’organisation, convient-il d’ailleurs de laisser des corpus de règles différents coexister au second degré de juridiction ?
Dans les mois à venir, il est à parier que d’autres règles nouvelles viendront se superposer aux règles déjà complexes de la procédure civile d’appel.
Peut-être se généraliseront-elles à l’ensemble des matières d’appel ?
 
 

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

Communication obligatoire des pièces justificatives en cause d'appel ?

avocataaa — Doctrine

 

Sans grande mansuétude à l'égard de nos bois et forêts, le pouvoir règlementaire a prévu dans le cadre du décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009, au titre de la communication des pièces justificatives un nouvel article 906 au code de procédure civile, lequel stipule "Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avoué de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avoués constitués."

De plus, par ce même décret, l'article 132 du même code a été modifié, la disposition prévoyant que toute partie à l'instance d'appel pouvait demander une nouvelle communication des pièces de première instance ayant été abrogée.

 

Est ce à dire qu'il est désormais impératif que toutes les pièces, déjà produites et aussi volumineuses qu'elles soient, fassent l'objet d'une communication réitérée devant la Cour d'Appel ?

 

Voilà alors un acte assurément superfétatoire, ayant un coût certain pour les parties et dénué de toute utilité tandis que les documents justificatifs dont les parties entendent se prévaloir ont été déjà contradictoirement échangés et débattus.

 

La lecture des arrêts de la Cour de cassation rendus en matière de communication de pièces est instructive et pourrait permettre de jouer les économes au profit de nos forêts - et du développement durable - terme au combien estimé par les temps qui courent...

Ainsi, il n'est pas à négliger que la Cour de cassation s’appuie sur une présomption de régularité des communications des pièces, le juge devant provoquer les observations des parties si le dossier fait apparaître une anomalie (Civ. 2ème 10 mars 2011 Procédures 2011 n°164). Surtout, l’absence de contestation avant ou lors des débats laisse présumer l’existence d’une communication régulière (Civ. 1ère 14 fév. 1995 n°92-14.675), pour autant qu’elle soit attestée par un bordereau de communication.

 

Enfin, l’article 906 n’est assortie d’aucune sanction pour un défaut de cette 're-communication'.

La suppression d’une partie de l’article 132 du code de procédure civile n’apporte pas davantage de véritable indication sur le caractère contraignant du dispositif.

 

Au vu de ces quelques éléments, la portée de l'article 906 du code de procédure civile pourrait être bien réduite.

Il est donc toujours essentiel de connaître les us de la Cour d'appel concernée au vu de textes dont la portée reste encore à découvrir.

 

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

La cadeau de fin d'année de la Chancellerie

avocataaa — Doctrine

Toujours soucieuse d'occuper nos froides soirées d'hiver, la Chancellerie vient de préciser aux Greffes des Cours d'appel la mise en oeuvre de la fameuse taxe de 150,00 euros due par chacune des parties à l'instance d'appel.

Ainsi, une instruction de plus de 20 pages a été diffusée par la Direction des services judiciaires, sous la responsabilité de sa directrice Madame MALBEC, ce 19 décembre 2012.

 

La lecture de cette instruction est intéressante pour les processualistes car elle tend à fixer les règles relatives au droit créé par l'article 1635 bis P du code général des impôts (article 54 de la Loi n°2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2010).

 

On y apprend notamment que :

1. toutes les parties à l'instance d'appel sont concernées (appelants, intimés, appelants provoqués) lorsque la constitution d'avocat est obligatoire et qu'elles ne bénéficient pas de l'aide juridictionnelle;

étant observé que dans le cas où plusieurs personnes, ensemble, forment une même demande ou présentent une défense commune, le droit n'est exigible qu'une fois, dès lors qu'elles sont représentées par un seul avocat,

2. la durée de perception se prolongera jusqu'au 31 décembre 2020,

3. la taxe s'applique pour les appels formés à compter du 1er janvier 2012 quel que soit le mode de saisine,

4. la taxe est un droit compris dans les dépens,

5. le défaut d'acquittement de la taxe emporte irrecevabilité de la déclaration d'appel pour l'appelant et irrecevabilité de la défense pour l'intimé;

il s'agit là donc de deux sanctions différentes pour un même manquement, en fonction de la position adoptée dans le procès,

6. l'irrecevabilité sus visée est constatée d'office par le Juge d'appel,

7. cette irrecevabilité est au nombre des fins de non recevoir et son manquement peut donc être régularisé par application des dispositions de l'article 126 du code de procédure civile.

 

Une saine lecture ...

 

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr

Procédure civile et liberté du citoyen

avocataaa — Doctrine

La liberté du citoyen n’existe que si elle est protégée.
Toute atteinte portée à la procédure est synonyme non pas du progrès mis en avant par le réformateur au nom d’un productivisme gestionnaire, mais d’un risque majeur de régression pour la liberté.


Le droit processuel s’est construit durant des siècles dans le souci de protéger le citoyen des pouvoirs - pouvoirs sous toutes leurs formes - pour que l’égalité de tous devant la loi ne soit pas un vain mot. La règle processuelle protège le justiciable de son adversaire mais aussi du risque d’arbitraire que la liberté laissée à l’institution judiciaire pourrait lui faire courir.
Le droit, dont la procédure est l’une des composantes premières, ne peut être réduit au « marché », mais constitue l’outil privilégié pour permettre à l’homme de vivre en harmonie le contrat social.


C’est à ce travail que l’avoué se dévouait, loin du bruit, trop loin peut-être, loin des querelles et dans le respect des valeurs d’un monde qui passe faute d’avoir été suffisamment défendu.
Puisse l’avocat nouveau que vous serez, se souvenir que « la procédure est la sœur jumelle de la liberté » et reprendre ce combat pour la liberté, aujourd'hui plus que jamais nécessaire !

Jean-Pierre Jougla, Avoué à la Cour, Ancien Avocat

La Chancellerie pense à vous...

avocataaa — Doctrine

 Que faire lors des froides soirées d'hiver à venir ?

Hé bien, en plus d'acheter quelques timbres fiscaux, lire les trente (30 !!!) pages de la circulaire d'application du décret n°2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué près les cours d'appel et à la contribution pour l'aide juridique bien sur.

Une lecture attentive de cette circulaire permettra même d'éviter d'éviter de trébucher sur les nouvelles surprises  et embuches procédurales semées sur le difficile parcours du plaideur.

Pour extraits, il faut citer que la contribution pour l'aide juridique sera de plein droit exigible pour toute instance non pénale introduite devant une juridiction judiciaire, avec quelques exception toutefois, qu'elle sera due par la partie qui introduit l'instance lors de sa saisine, qu'elle est comprise dans les dépens et due à peine d'irrecevabilité.

On apprend encore qu'aucune nouvelle contribution n'est due tant que le lien initial d'instance persiste et qu'une nouvelle instance n'est pas introduite. Les demandes incidentes sont donc dispensées de cette contribution.

Surtout, une régularisation peut toujours intervenir, tandis que l'irrecevabilité imaginée à défaut de règlement, laquelle peut être relevée d'office, suit les règles de l'article 126 du code de procédure civile.

Enfin, une voie de recours existe contre la décision d'irrecevabilité.

Ouf, on peut souffler un peu...

 

Maître Alexis Devauchelle,

Avocat au Barreau d’Orléans spécialiste de l'appel, Ancien Avoué à la Cour

12 rue de la République

45000 Orléans

avocat-devauchelle@orange.fr