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Le site des avocats "triple AAA"

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L'Avocat Ancien Avoué, le spécialiste de la procédure d'appel consacré par la Loi du 25 janvier 2011, Par Maître Alexis Devauchelle, avocat

La saisine de la Cour de renvoi après cassation

avocataaa — ActualitéJurisprudence

La saisine de la Cour de renvoi après le prononcé d’un arrêt de cassation est susceptible de faire naître pour le juriste bien des interrogations.

Pendant de nombreuses années, l’apanage de cette saisine était dévolue aux seuls Avoués à la Cour, hors les matières sans représentation obligatoire où la procédure était allégée et menée par le greffe de la Cour de renvoi. Cette saisine reste d’ailleurs essentiellement encore souvent une affaire de spécialistes de la procédure.

 

Le décret du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile (D. n° 2017-891, 6 mai 2017, JO 10 mai) a modifié bien des règles jusque-là encore applicables aux Cours d’appel, et justement les règles relatives à la saisine de la juridiction de renvoi après cassation.

Comme la circulaire du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret l’indique, le législateur prétend avoir voulu une « rationalisation de la procédure sur renvoi après cassation notamment par une réduction du délai pour saisir la juridiction de renvoi et par l’instauration de délais d’échange des conclusions devant la cour d’appel de renvoi » (Cf.  circulaire ministérielle 4 août 2017 NOR : JUSC1721995C, BOMJ n° 2017-08, 31 août). Cette circulaire laudative ne présente cependant qu’un caractère informatif, et reste bien insuffisante pour apprécier dans leur totalité les règles applicables, figurant notamment aux articles 626 et suivants du Code de procédure civile et L. 431-4 du Code de l’organisation judiciaire.

Le décret du 6 mai précité comporte bien des zones d’incertitudes que le praticien doit défricher sous le contrôle de la Cour de cassation.

 

Au premier chef des modifications apportées par le décret de 2017, le délai de saisine de la juridiction de renvoi a été réduit à deux mois après la signification de l’arrêt de cassation, au lieu des quatre mois précédemment laissés aux parties. Deux mois c’est toujours ‘ça de gagné’, mais cela ne modifie pas vraiment la donne au regard du délai moyen de traitement du contentieux, étant observé de surcroît que la procédure sur renvoi ne constitue qu’une étape supplémentaire après un déjà très long chemin procédural et différentes instances successives.

De plus, existent désormais des délais impératifs d’échanges des conclusions imposés aux parties, alors qu’auparavant, l’instruction du litige était soumise aux pouvoirs d’injonction du conseiller de la mise en état.

En résumé, les formes et délais applicables précédemment n’ont plus cours pour les instances sur renvoi introduites à compter du 1er septembre 2017.

 

En outre, la communication électronique par E-barreau est obligatoire dans les litiges sur renvoi de cassation avec représentation obligatoires. Ainsi, les dispositions de l’article 930-1 du Code de procédure civile sont pleinement applicables, et ce à peine d’irrecevabilité (cf. Cass. 2e civ. 1er déc. 2016 pourvoi n° 15-25.972).

Le défaut de saisine régulière de la cour d’appel, sanctionné par l’article 930-1 du Code de procédure civile, constitue même une fin de non-recevoir, et non pas un vice de forme ou de fond de l’acte de saisine.

Cela induit que les dispositions de l’article 2241 du Code civil ne sont pas applicables et que la seconde saisine formée est susceptible d’être jugée irrecevable comme tardive (Cf. Cass. 2e civ. 1er juin 2017 pourvoi n° 16-15.568).

 

La juridiction de renvoi doit être saisie par déclaration au greffe de cette juridiction et non par une autre forme, notamment pas par voie d'assignation (cf. Cass. com. 25 janv. 1984 pourvoi n° 82-12658).

L’article 1032 du code de procédure civile énonce à cet égard en son premier alinéa que « La juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction. » et l’article 1033 du même code ajoute que « La déclaration contient les mentions exigées pour l'acte introductif d'instance devant cette juridiction ; une copie de l'arrêt de cassation y est annexée. ».

Par conséquent, si l’arrêt de cassation emporte un renvoi vers une cour d’appel désignée, ce renvoi n’entraine pas ipso jure la saisine d’office de cette cour de renvoi. Il appartient bel et bien  aux parties qui y ont intérêt, et ce en fonction de la portée de la cassation prononcée, de confectionner un acte formel de saisine.

L’instruction sera ensuite reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, en vertu de l’article 631 du code de procédure civile, ce qui n’induit toutefois pas que celles-ci doivent se montrer inertes puisqu’il leur appartient de conclure dans les délais prévus en tirant les effets de la cassation prononcées quant au débat.

 

L’acte de saisine de la cour de renvoi exigée de la partie saisissante doit respecter les règles propres à l’appel dans la matière concernée. Il s’agit donc d’une déclaration réalisée par les voies d’E-barreau dans les matières avec ou sans représentation obligatoire.

A cet égard, l’arrêté du 20 mai 2020 (JORF n° 0124 du 21 mai 2020) a abrogé les précédents arrêtés du 5 mai 2010 sur la communication électronique en procédure sans représentation obligatoire et du 30 mars 2011 dans les procédures avec représentation obligatoire, pour ne créer qu’un seul arrêté pour les procédures avec et sans représentation obligatoire. Et l’article 2 de l’arrêté précité précise bien la possibilité désormais du recours à la voie électronique pour les actes d’appels dans les matières sans représentation obligatoire.

 

A l’instar des autres actes introductifs d’instance, la déclaration de saisine doit comporter la désignation exacte et complète des parties à l’instance.

En vertu des dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, la méconnaissance de cette disposition ne peut être sanctionnée que si elle cause grief à la partie adverse.

Par voie de conséquence, si par malheur la déclaration de saisine ne comporte pas les mentions exigées, mais que les mentions manquantes figurent sur d’autres documents dont elle est accompagnée et que la teneur de l'acte de signification de l'arrêt de renvoi, joint le cas échéant à la déclaration, exclut toute ambiguïté quant à la détermination des parties ayant saisi la juridiction de renvoi, la partie adverse, à défaut de justifier d'un grief, n'est pas fondée à se prévaloir de l'irrégularité de l'acte de saisine (cf. notamment Cass. soc. 20 févr. 1991 pourvoi n° 87-41.016). Cependant, malgré l’information fournie a posteriori le grief peut tout de même subsister (cf. Civ. 2ème 4 mars 2021 pourvoi 19-13344).

 

En outre, en cas d’erreur sur les mentions de la déclaration de saisine, la Cour de cassation a jugé que la régularité et la recevabilité de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi s'apprécient au seul regard des articles 1032 et 1037 du Code de procédure civile, au moment de cette saisine et en fonction de la situation des parties à cette date.

Il a été ainsi jugé que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, alors qu'elle constatait qu’une association était représentée par son administrateur provisoire lors de la formation du pourvoi devant la Cour de cassation, quelle était sa situation à la date de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi, a violé les articles 1032 à 1037 du Code de procédure civile (cf. Cass. 2e civ. 28 juin 2018 pourvoi n° 17-17.220).

 

Secundo, c’est également par un jeu de renvoi de textes qu’il faut lire l’article 1032 du code de procédure civile.

La déclaration de saisine doit contenir les mentions exigées pour l’acte introductif devant la juridiction d’appel, ainsi qu’une copie de l’arrêt rendu par la cour de cassation (au format PDF en cas de transmission par le RPVA).

Par renvoi aux dispositions des articles 901 ou 933 du Code de procédure civile, l’appelant ou la partie saisissant la cour de renvoi doit-il désormais délimiter la saisine de la juridiction, comme l’appelant son appel ? De la réponse positive à cette interrogation pourrait alors découler une limite à l’effet dévolutif, lequel ne serait susceptible de ne jouer que dans les limites de la déclaration, sauf demande d’annulation du jugement ou cas d’indivisibilité du litige.

La Cour de cassation s’est toutefois prononcée en sens contraire le 14 janvier 2021 (pourvoi n°19-14293) quant à l’obligation de viser les chefs du jugement attaqués dans l’acte de saisine et sur les conséquences d’un tel manquement. Pour la Cour de cassation et selon ce dernier arrêt, Il n'existe pas une similitude entre les formes de la déclaration de saisine de la cour de renvoi et celles de la déclaration d’appel.

La Cour de cassation précise d’ailleurs à cette occasion que la déclaration de saisine n'est pas un acte d’appel et que, par voie de conséquence, elle ne peut avoir pour effet de limiter l'étendue de la saisine de la Cour de renvoi.

La question de l’effet dévolutif de l’appel devant la Cour de renvoi ne semble donc plus devoir alors qu’être interprétée au vu de la saisine de la Cour Appel cassée par la Cour de cassation et au regard de la déclaration d’appel initiale.

 

Mais, la Cour de cassation ne laisse-t-elle toutefois pas ouverte la possibilité aux parties de soulever une nullité de forme de la déclaration de saisine qui serait imprécise, à charge pour celui qui l’invoque de convaincre d’un grief qu’il subirait du fait du manquement constaté, manquement qui pourrait être éventuellement tiré de la fragilisation de sa position d’intimé devant la Cour qui ne connaîtrait que tardivement l’objet exact de la saisine de la Cour de renvoi ?

Si la Cour de cassation nous déclare que la déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel, c’est seulement en effet pour en tirer la conséquence que le défaut de visa des chefs du jugement attaqué ne paralyse pas l’effet dévolutif, lequel a déjà joué sur le premier appel formé qui fut cassé. Elle n’écarte pas que le manquement à l’obligation de viser les chefs du jugement attaquée dans l’acte de saisine puisse constituer une cause de nullité de l’acte, ce qui au demeurant semble découler du texte même de l’article 1033 et du renvoi aux formes de l’article 901 et subséquemment 58 du code de procédure civile.

 

L’irrecevabilité de la déclaration de saisine rendrait-elle alors irrecevable toute nouvelle déclaration de saisine tendant à déférer à la cour d’appel de renvoi, la connaissance du jugement de première instance, et, ce, peu important que le délai prévu à l’article 1034 du Code de procédure civile n’ait pas expiré ?

Il a été en effet jugé que l’irrecevabilité de la déclaration de saisine confère force de chose jugée au jugement de première instance, lorsque la décision cassée a été prononcée sur appel de ce jugement, rendant irrecevable toute nouvelle déclaration de saisine tendant à déférer à la cour d'appel la connaissance de ce jugement (cf. Cass. 2e civ. 19 oct. 2017 pourvoi n° 16-24.269).

Il faut déduire de cet arrêt du 19 octobre 2017 que si une nouvelle saisine permettrait de rectifier une erreur commise dans un acte de saisine précédent, il conviendrait toutefois de ne pas attendre la décision statuant sur l’irrecevabilité du premier acte pour procéder à cette saisine « rectificative ».

Plus encore, par rapprochement avec les dispositions de l’arrêt rendu par la 2ème chambre civile le 30 janvier 2020 (pourvoi n°18-22.528), la déclaration de saisine affectée de ce vice de forme pourrait être régularisée par une nouvelle déclaration. Mais contrairement à cet arrêt, cette régularisation doit intervenir avant le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond et avant même le délai de saisine de deux mois prévu à l’article 1031.

Il existe en l’espèce, et en l’état, une zone d’appréciation floue que la Cour de cassation a comblé pour permettre aux parties de corriger leur manquement selon un arrêt du 4 mars 2021 (pourvoi n°19-13.444) dans lequel elle énonce d’une part, que « la déclaration de saisine (…), qui a pour objet d'assurer la poursuite de la procédure antérieure régie par les dispositions des articles 1032 et suivants du code de procédure civile, ne constitue pas une demande en justice au sens de l'article 2241 alinéa 1er du code civil » et, d’autre part, « que la déclaration de saisine annulée n'interrompt pas le délai de forclusion de deux mois prévu à l'article 1034 alinéa 1er du code de procédure civile pour saisir la juridiction de renvoi. »

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation juge que la partie était bel et bien irrecevable à procéder à une seconde saisine de la Cour de renvoi postérieurement au délai de deux mois de l’article 1032 du code de procédure civile.

 

Enfin, il sera rappelé que la régularité de l’acte de saisine initial de la cour de renvoi s’apprécie au moment de cette saisine en fonction de la situation des parties à la date de cet acte.

Ainsi, il a été jugé que l’intervention forcée d’une société de ‘BTP’ dans l'instance de renvoi après cassation plus de quatre mois après la notification de l'arrêt de la Cour de cassation ne pouvait couvrir l'irrégularité de la saisine de la cour d'appel de renvoi pour défaut de qualité de la société saisissante (cf. Cass. com. 26 févr. 2013 pourvoi n° 12-14.998).

 

Force est de constater que des questions autour de la saisine après cassation de la Cour de renvoi restent non encore solutionnées clairement, tandis qu’elles font peser sur l’auteur de la saisine un degré d’incertitude certain.

 

Par Maître A. Devauchelle, avocat au Barreau d'ORLEANS

La nouvelle déclaration d'appel

avocataaa — ActualitéLégislation

La déclaration d’appel est l’acte initiateur de l’instance d’appel et délimite le débat qui sera porté ensuite devant la juridiction de second degré au fond par la partie appelante.

 

Cet acte se révèle bien plus complexe qu’il n’y paraît et la jurisprudence de la Cour de cassation publiée en suite des décrets de procédure n° 2017-892 du 6 mai 2017 et n°2019-1333 du 11 décembre 2019 confirme bien que les plaideurs ne soupçonnent guère les chausses-trappes nombreux auxquels ils seront confrontés en suite d’une rédaction imprécise ou lacunaire de leur acte de saisine de la Cour d’Appel.

 

Il faut dire que les règles applicables et les conséquences qui en découlent ne sont pas directement révélées par les textes réglementaires eux-mêmes propres à la déclaration d’appel figurant aux articles 899 et suivants du code de procédure civile, mais plutôt par les effets qu’ils induisent.

 

C’est ainsi que la Cour de cassation sanctionne, sur le fondement de l’article 562 du code de procédure civile - relatif à l’effet dévolutif de l’appel - l’obligation prévue par l’article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d’appel, les chefs de jugement critiqués.

 

Selon un arrêt désormais bien connu des praticiens, la seconde chambre civile de la Cour de cassation a énoncé clairement à cet égard que « lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas » (cf. 2ème Civ. 30 janvier 2020 pourvoi n°18-22.528) et la Cour d’appel n’est alors pas saisie des chefs non visés dans l’acte d’appel initial, même si des conclusions ultérieures de la partie appelante opèrent cette critique.

 

Ainsi, dans la droite ligne de la Cour de cassation, la Cour d’Appel d’ORLEANS a retenu que « la dévolution n'ayant pas été élargie par un appel incident de l'intimée, la cour, qui n'est pas saisie de ce qui a été jugé par les premiers juges et n'a pas été critiqué dans l'acte d'appel, a l'obligation d'écarter d'office les chefs de demandes qui sont discutés dans les conclusions mais qui ne lui sont pas dévolus. » (cf. CA Orléans chambre commerciale 29 octobre 2020 RG 195-20).

 

C’est bien dire que la sanction de l’appelant maladroit dans sa rédaction de son acte d’appel est irrémédiable, quand bien même l’adversaire ne se manifesterait pas ou resterait taisant sur cette question.

 

Le seul échappatoire pour l’appelant sera de réitérer son acte d’appel afin de compléter le premier, mais cette rustine de procédure devra être « régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile » ainsi que le précise la Cour de cassation (cf. 2ème Civ. 30 janvier 2020 pourvoi n°18-22.528).

 

 

Aux termes du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, les formes de la déclaration d’appel ont encore évoluées.

 

L’article 901 du Code de procédure civile est désormais ainsi rédigé :

 

« La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. »

 

Conformément à l’article 12 du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021 et s'appliquent aux instances en cours à cette date. Ainsi, tous les actes d’appel rédigés et remis aux greffes des cours d’appel depuis le 1er janvier 2021 doivent s’y conformer.

 

La date du prononcé du jugement soumis à la censure de la Cour d’Appel est dès lors totalement indifférent, l'instance en cours précitée étant l’instance d’appel.

 

 

Si, sur une première lecture, l’article 901 précité ne semble pas avoir beaucoup évolué au regard de sa rédaction précédente, plusieurs points méritent toutefois d’être relevés, car ils doivent faire évoluer la pratique.

 

Ce sont les renvois de l’article 901 aux dispositions des articles 54 et 57 troisième alinéa du même code qui intéressent spécialement le rédacteur de cette courte analyse juridique.

 

 

Primo - et c'est le moindre - le texte de l’article 901 a fait disparaître l’obligation de mentionner la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

 

Cette obligation relevait de l’article 57 du code de procédure civile auquel l’article 901 ne fait enfin plus référence en sa totalité. Cela est d’ailleurs plus sérieux car les auteurs s’accordaient à penser, d’une part, qu’il s’agissait d’une simple obligation formelle qui, en l’absence de grief ne pouvait entamer la portée de l’appel, d’autre part, que le renvoi à l’article 57 n’obligeait pas à annexer la liste des pièces produites au soutien des moyens développés au fond, mais de viser les documents formalisant l’appel, c’est à dire la (ou les) décision (s) attaquée (s) et, enfin, que rien n’interdisait aux parties au litige de produire de nouvelles pièces après la déclaration d’appel, l’article 15 du code de procédure civile obligeant seulement ces parties à les produire « en temps utile ».

 

Au demeurant, la Direction des Affaires Civiles et du Sceau avait précisé, dès février 2020, que l’indication des pièces dans la déclaration d’appel ne devait revêtir aucune forme particulière, pouvait être annexée sous forme de bordereau et n’interdisait pas aux parties d’enrichir ce bordereau de nouvelles pièces au gré de l’évolution de leurs écritures.

 

Elle avait ajouté dans sa « FICHE DE PRESENTATION DES DISPOSITIONS DE PROCEDURE CIVILE DU DECRET PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES NOTAMMENT A LA PROCEDURE CIVILE ET A LA PROCEDURE D’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS » du 28 novembre 2020 que « l’appelant ou le demandeur au pourvoi ne connait pas nécessairement l’intégralité des pièces qu’il produira dès la déclaration d’appel ou le pourvoi. Cette exigence, à ce stade de la procédure, était donc prématurée. », reconnaissant ainsi clairement l’erreur commise sur ce point par le Législateur.

 

 

 

Secundo, le renvoi aux mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 du code de procédure civile diffère du renvoi précédent posé par le décret du 11 décembre 2019, puisque ce sont désormais les mentions de l’assignation que doit comporter la déclaration d’appel, et non plus celles de la requête introductive d'instance.

 

 

Les renvois au 3° de l’article 54 et au 3° de l’article 57 ne semblent pas susciter de questionnement particulier, tandis qu’il s’agit de viser la dénomination complète des sociétés ou l’état civil de la personne physique mentionnées à l’acte d’appel. Ces éléments d’informations devaient déjà apparaître, à peine de nullité, sur l’acte introductif d'instance devant la juridiction de premier degré .

 

Un manquement ou une erreur commise sur l’un de ces éléments n’est pas de nature à entraîner de conséquence fâcheuse sur l’instance d’appel.

 

Dans sa mansuétude relative, la Cour de cassation a d’ailleurs encore tout récemment rappelé que « L’erreur relative à la dénomination d’une partie n’affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu’un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief. » (cf. Civ 2ème 4 février 2021 pourvoi n°20-10685).

 

 

Le renvoi au 2° de l’article 54 du code de procédure civile doit en revanche être analysé avec plus d’acuité et de finesse puisque cet alinéa vise l’obligation de mentionner à l’acte introductif, donc à l’acte d’appel, « l’objet de la demande ».

 

S’agit-il là encore d'une volonté masquée de réduire le champ de la saisine de la Cour lorsque l’acte d’appel ne mentionne pas cet « objet de la demande » clairement ?

 

S’agit-il d’une esquisse d’une prochaine déclaration d’appel devant comporter la motivation du recours ?

 

Cette obligation de viser l’objet de l’appel semble plutôt faire double emploi avec le visa des chefs du jugement critiqués en cause d'appel et avec une mention d’un recours visant l’infirmation ou la nullité de la décision attaquée.

 

Pour mémoire, il sera rappelé que cette mention de « l’objet de la demande » dans la déclaration d’appel avait été déjà instaurée par le du décret 2005-1678 du 25 décembre 2005 (et-ce jusqu’au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019) et qu’elle n’a jamais été interprétée par la Cour de cassation comme une obligation de faire figurer le détail des demandes qui seront présentées à la Cour dans le cadre des conclusions qui seront signifiées ultérieurement au soutien au recours.

 

Cette disposition traduit tut au plus la volonté du Législateur de voir préciser dès l’acte d’appel, la nature du recours formé : appel réformation et / ou appel annulation et ou / appel nullité.

 

L’obligation de mentionner l’objet de l’appel doit donc davantage être coordonnée avec l’obligation de préciser les chefs du jugement attaqué. L’avocat chargé de la rédaction de l’acte d’appel aura dès lors tout intérêt, pour éviter toute discussion sur l’effet dévolutif de l’appel et la saisine de la Cour d'appel, à agrémenter son acte d’une mention spécifique sur la portée de son appel :  infirmation ou annulation de la décision rendue par les premiers juges.

 

Il est évident que la Cour de cassation ne manquera pas prochainement de préciser la portée de cette mention sur « l'objet de la demande » telle que mentionnée à l’article 54 du code de procédure civile et qu’il n’est pas à exclure qu’elle y voit encore un moyen formel de limiter la voie de l’appel aux plaideurs.

 

 

 

 

Me Alexis Devauchelle

 

15 février 2021

 

Procédure d’appel et COVID19

avocataaa — ActualitéLégislation

 

Voilà un titre que je n’aurais jamais imaginé devoir rédiger il y a encore quelques semaines. Non que je ne connais pas un tant soit peu la procédure d’appel, en qualité d’ancien avoué à la Cour et d’avocat spécialiste de l’Appel, mais du fait que je suis plutôt totalement ignorant en matière de lutte contre les virus et les épidémies. Il faut laisser à chacun sa spécialité.

 

Cependant, depuis plusieurs semaines, à raison des mesures extraordinaires de confinement induits par la pandémie du virus Codiv19 qui frappe la planète entière et la France en particulier, le Gouvernement a entendu prendre des mesures adéquates permettant de protéger certains domaines professionnels et, en particulier, les procédures judiciaires. Est ainsi créée « une période juridiquement protégée » sur laquelle il faut donc nécessairement se pencher pour en déterminer les contours.

 

Concernant les procédures civiles et commerciales soumises au second degré de juridiction, une ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 tente d’éviter les effets accidentels que pourraient générer le confinement des parties et la quasi-fermeture des juridictions sur les procédures d’appel à naître ou sur celles déjà en cours et qui sont gouvernées par un dispositif réglementaire déjà très contraignant, induisant notamment la caducité de l’appel ou l’irrecevabilité des conclusions en cas de non respect des délais applicables à chaque type de procédure menée.

 

Une analyse du dispositif mis en place s’impose, car celui-ci frappe par sa complexité.

 

A une procédure déjà lourde en appel, se superpose donc pour cette « période juridiquement protégée » un mécanisme optionnel et lourd.

 

 

En premier lieu, ce mécanisme a vocation à trouver application sur une période déterminée.

 

L’article 1er de l’ordonnance stipule ainsi que ses dispositions « sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020 » et ce, sous réserve d’une éventuelle prolongation.

 

Les seuls délais et actes concernés par les dispositions de l'ordonnance sont ceux qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré (sic).

 

Ainsi, dès lors que le terme de l’acte est échu avant le 12 mars 2020, il ne bénéficie pas du mécanisme de report institué par l’ordonnance n°2020-306. Il en est de même avec les actes devant être réalisés au-delà du mois suivant la date de la cessation de l'état d'urgence sanitaire.

 

Le mécanisme s’applique de plein droit, sans aucune autorisation préalable nécessaire à obtenir de la part de la juridiction.

 

Au regard des éléments connus lors de la rédaction cette analyse, le texte voté le 22 mars 2020 sur la situation sanitaire prévoit que l'état d'urgence entre en vigueur pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national à compter de la publication de la loi, soit le 24 mars 2020. L’état d’urgence devrait alors se terminer le 24 mai 2020 (24/03/2020 + 2 mois).

 

L’ordonnance n°2020-306 vise donc les délais et actes qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 inclus (fin de l’état d’urgence + 1 mois). 

 

 

 

En second lieu, l’article 2 de l’ordonnance révèle l’objet relatif à la procédure civile d’appel en visant : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er ».

Les termes employés d’acte, recours, formalité, action, déclaration sont suffisants larges pour englober l’ensemble des diligences à accomplir devant la Cour d’Appel.

Par conséquent, les délais applicables et les actes à confectionner devant les Cours d’Appel et les Cours de renvoi après cassation par application de la norme règlementaire sont prorogés à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite maximum de deux mois.

Le plaideur dispose dès lors d’une option puisque l'ordonnance ne prévoit pas une interruption des instances et délais et qu’il reste libre de réaliser son acte dans le délai règlementaire initial imparti.

 

En outre, l’article 3 de l’ordonnance fixe la liste d’autres mesures judiciaires dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l’expiration de la période définie au I de l’article 1er, dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période et ce, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre temps.

Il s’agit des mesures des mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ordonnées en appel, soit par le Conseiller de la mise en état, soit avant dire droit par la Cour d’Appel. 

 

Par ailleurs, il convient de relever que les procédures en cours se poursuivent durant « la période juridiquement protégée » avec le prononcé de clôtures de l’instruction des dossier et avec les audiences au fond ou sur incident, en respect du dispositif imposé par une autre ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-304 (notamment en son article 8).

 

 

En troisième lieu, l’acte visé ci-avant « sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »

C’est donc cette seconde partie de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 qui offre l’information sur la mesure palliative.

L’ordonnance n’interdit nullement la réalisation de l’acte ou de la formalité procédurale dont le terme échoit dans la période visée. Elle permet uniquement de considérer comme n'étant pas tardif l'acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.

Il y a donc là une possibilité de simple différé offerte au débiteur de l’obligation procédurale.

Le projet d’ordonnance (NOR : JUSX2008186R) mentionnait déjà bien que ces dispositions n’avaient pas vocation à supprimer la possibilité de la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme devait échoir dans la période visée, mais permettaient simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti. Ce point est d’ailleurs encore confirmé par la circulaire d’application du 26 mars 2020 (N° NOR : JUSC 2008608C N° Circulaire : CIV/01/20, notamment en page 5).

 

Au demeurant, il apparaît judicieux de respecter les délais applicables en appel et déjà connus et ce, pour éviter toute discussion ultérieure devant le Conseiller de la mise en état ou la Cour sur leur recevabilité et toute discussion autour de la computation des délais.

Il appartiendra sinon de recalculer les délais applicables à compter du 24 juin 2020 : délais d’appel, de déféré et de saisine, délais pour conclure devant la Cour, délais pour dénoncer l’appel ainsi que la saisine, et les conclusions aux parties défaillantes, etc.

Le point de départ du délai (dies a quo) sera le 24 juin 2020 et l’échéance  (dies ad quem) dépendra de la nature de l’acte à réaliser devant la Cour.

Mais, en toutes hypothèses, le différé offert pour la réalisation de l’acte ne pourra excéder deux mois après la fin de la période juridiquement protégée, et expirera donc au plus tard le 24 août 2020, quelqu’en soit la durée initiale. Ainsi le délai de trois mois pour conclure, tel que visé aux articles 908 à 910, sera réduit à deux mois et expirera le 24 août 2020 et non le 24 septembre suivant.

 

L’été 2020 promet donc d’être chargé en réflexion sur la réalisation des actes en appel.

 

 

Par Maître Alexis DEVAUCHELLE, avocat spécialiste de l'appel

 

Du Barreau d'ORLEANS

La déclaration d’appel et les chefs du jugement critiqués

avocataaa — ActualitéJurisprudence

Les chefs du jugement critiqués doivent être mentionnés explicitement dans la déclaration d’appel remise au greffe de la Cour d’Appel dans les matières avec représentation obligatoire.

 

Cette obligation découle des termes même de l’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 applicable à compter du 1er septembre 2017.

 

L’article 901 dans sa rédaction issue de la réforme du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 dispose en effet : « La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité (…) les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

 

Dans sa rédaction précédente, le texte renvoyait aux dispositions de l’article 58 du code de procédure civile, mais incluait déjà l’obligation de mentionner les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel était limité, hors le cas ou l'appel tendait à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige était indivisible.

 

 

Depuis le 1er septembre 2017, l’article 901 oblige donc à faire mention des chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité. Cette obligation disparait uniquement dans deux cas, à savoir soit lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement, soit lorsque l’objet du litige est indivisible, ce qu’il conviendra cependant prudemment de préciser sur l’acte d’appel pour éviter tout questionnement futur.

 

Il faut donc que l’acte d’appel lui-même, dans son corpus, contienne ces mentions, et que celles-ci soient assez précises, sans renvoi vague et général aux termes du jugement lui-même. Notamment , l’appelant sera inspiré de ne pas se contenter de faire mention d’une critique d’une mention de simple ‘débouté des demandes’ contenue dans le dispositif du jugement soumis à la censure de la Cour d’Appel, mais bien plutôt de préciser quels sont les chefs de débouté au regard des débats et des conclusions soumis aux premiers juges. Si la Cour de cassation a pu estimer que l’appel puisse viser également les chefs de jugement critiqués implicitement (cf. Cass. 1re civ., 3 avr. 2019, n° 18-13.387, P+B), il n’est pas dit qu’une telle largesse trouve toujours écho auprès des juges d’appel, ni encore très longtemps auprès des juges de cassation.

 

 

La question de la sanction du manquement à cette formalité est apparue ambiguë.


D’abord, elle renvoie naturellement à la question des nullités de forme des actes judiciaires prévues aux articles 112 et suivants du code de procédure civile.

 

A cet égard, la Cour de cassation, dans trois avis rendus le 20 décembre 2017, avait pu laisser planer un doute sur la lecture des textes et sur l’obligation précitée, puisqu’elle avait indiqué que la sanction encourue par l’acte d’appel qui ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués était une nullité de forme, régularisable dans le délai imparti à l’appelant pour conclure (cf. Civ. 2e, avis, 20 déc. 2017, P+B, n° 17019 Civ. 2e, avis, 20 déc. 2017, P+B, n° 17020 Civ. 2e, avis, 20 déc. 2017, P+B, n° 17021).

 

A la lumière de ces trois avis, le débat ne pouvait se porter que la validité formelle de l’acte d’appel. La partie dont l’acte était incomplet apparaissait pouvoir donc réitérer son acte d’appel en le complétant des mentions requises, nonobstant la signification de la décision, pourvu qu’elle reste dans les délais pour conclure au soutien de son appel prévus à l’article 908 ou à l’article 905-2 du code de procédure civile. Elle pouvait donc espérer esquiver l’irrecevabilité formelle de son acte.

L’irrecevabilité éventuelle devait, en outre, être soulevée par voie d’incident en cas de désignation d’un conseiller de la mise en état, in limine litis avant toutes conclusions au fond ou fin de non recevoir. 

 

 

Cependant, une lecture plus approfondie et plus subtile des dispositions du code de procédure civile relatives à l’appel laissait encore planer une incertitude sur l’application possible d’une autre sanction que celle d’une simple irrecevabilité pour forme de la déclaration d’appel. Les avis de la Cour de cassation conservaient donc encore une certaine dose d’inconnue et d’incertitude.

 

L’article 562 du code de procédure civile énonce en effet que l'appel défère à la Cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, puis  ajoute que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

 

Ce n’est donc pas seulement au regard de l’article 901 du code de procédure civile que l’acte d’appel incomplet des chefs du jugement critiqué induisait un risque, mais plutôt sur la combinaison des articles 901 et 562 du même code que le plaideur devait porter son attention.

 

A cet égard, il doit être rappelé que Cour de cassation avait déjà jugé précédemment que « seul l’acte d’appel opère dévolution » (cf. Civ. 1, 22 juin 1999, Bull. I, n° 206, p. 134).

 

Aux termes d’un arrêt clair en date du 30 janvier 2020 (pourvoi n°18-22528), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a réitéré et complété cette affirmation. Ainsi, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement et, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.

 

En combinaison avec les trois avis précités du 20 décembre 2017, la Cour de cassation réitère en ce début d’année 2020 qu’il appartient à l’appelant de reprendre une déclaration d’appel complétée des chefs critiqués du jugement dans le délai imparti pour conclure au fond au soutien de son appel.

 

Elle ajoute, et l’apport est là essentiel, que sans méconnaître les dispositions de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la mention d’un appel ‘total’ ne peut être regardée comme emportant la critique de l’intégralité des chefs du jugement, ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis en énonçant alors les chefs critiqués du jugement.

 

Par ailleurs, pour la deuxième chambre civile, le dispositif réglementaire ne porte pas atteinte, en lui-même, à la substance du droit d’accès au juge d’appel.

 

Si la Cour de cassation décide de casser l’arrêt d’appel, c’est ensuite sur une mauvaise formulation de la Cour d’Appel qui, après avoir dit que les déclarations d’appel (…) ne défèrent à la Cour d’Appel aucun chef critiqué du jugement attaqué et qu’elle n’est par suite saisie d’aucune demande, avait néanmoins confirmé le jugement soumis à sa censure.

 

La Cour d’appel devait en réalité simplement juger que l’appel erroné dans sa déclaration ne produisait aucun effet dévolutif et qu’elle ne pouvait donc s’estimer valablement saisie. Le prononcé de la confirmation du jugement était de trop.

 

L’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 2020 est important et comble une incertitude que laissaient planer les trois avis partiels et incomplets du 20 décembre 2017. Le défaut de la déclaration d’appel dans le motif du jugement critiqué par l’appelant emporte une conséquence redoutable : la Cour d’appel n’est pas saisie de ce chef, du simple fait de l’absence d’effet dévolutif. Elle n’a aucunement besoin de prendre en considération les conclusions postérieures de la partie appelante qui porteraient sur le chef omis, et qui tenteraient par ce moyen de rattraper le caractère incomplet de la déclaration d’appel.

 

La position que la partie intimée devra adopter est donc simple : une fois le délai pour conclure de l’appelant expiré, il lui appartiendra de soutenir par voie de conclusions que l’appel n’emporte pas d’effet dévolutif et que la Cour n’est pas valablement saisie. Elle n’aura alors même pas à exciper du moindre grief tiré du caractère incomplet de la déclaration d’appel, s’agissant d’une fin de non-recevoir.

 

Reste à déterminer si le défaut d’effet dévolutif doit être plaidé devant la Cour d’Appel ou devant le Conseiller de la mise en état pour les appels formés à compter du 1er janvier 2020, puisque la réforme issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et la rédaction de l’article 789 du code de procédure civile donnent désormais une compétence exclusive au juge de la mise en état (et partant au Conseiller de la mise en état par application de l’article 907 nouveau du code de procédure civile), à compter de sa désignation, pour connaître des fins de non-recevoir, les dispositions du 6° de l'article 789 qui résultent du décret précité étant applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 conformément à l’article 55 dudit décret.

 

Modalités d’appel d’une décision statuant exclusivement sur la compétence

avocataaa — Jurisprudence

Le 11 juillet 2019, la Cour de cassation a mis un terme à un questionnement portant sur la forme de l’appel de certaines décisions rendues par les premiers juges statuant uniquement sur leur compétence.

La Cour de cassation a précisé que nonobstant toute disposition contraire et par application des dispositions des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, relève de la procédure à jour fixe.

Ainsi, l’appelant doit saisir, dans le délai d’appel et à peine de caducité de la déclaration d’appel, le premier président de la cour d’appel en vue d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe.

C’est donc à bon droit qu’une cour d’appel, tenue de vérifier la régularité de sa saisine, juge caduque la déclaration d’appel formée contre le jugement d’un juge de l’exécution s’étant déclaré incompétent pour connaître d’une demande, dès lorsque l’appelant n’avait pas saisi le premier président afin d’être autorisé à assigner à jour fixe.

2e Civ. 11 juillet 2019 pourvoi n°18-23.617

 

Par cet arrêt, la seconde chambre de la Cour de cassation précise le champ d’application des dispositions du code de procédure civile en matière d’exceptions d’incompétence et d’appel. Il sera rappelé que le décret du 6 mai 2017 a supprimé la formule ancienne du contredit de compétence pour le remplacer par un appel au régime particulier.

Le décret de mai 2017 a soumis l’appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige à une procédure spécifique en appel, s’inspirant de la procédure à jour fixe visée aux articles 917 et suivants du code de procédure civile. Ainsi, l’appel doit être formé dans les quinze jours de la notification du jugement statuant sur la compétence par le greffe et, dans ce même délai, à peine de caducité de la déclaration d’appel, une requête à fin d’assignation à jour fixe doit être soumise au premier président de la cour d’appel. Les moyens d’appel doivent donc être formulés et la juridiction dont la compétence est envisagée précisée par l’appelant.

Quid cependant de ces dispositions propres à l’appel prévu selon la nouvelle formule avec celles régissant spécifiquement l’appel des décisions prises par certaines juridictions du premier degré et qui sont également soumis à des procédures particulières ? A cet égard, l’article R. 121-20 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’appel des jugements d’un juge de l’exécution est formé « selon les règles applicables à la procédure prévue à l’article 905 ou à la procédure à jour fixe ». Les textes apparaissaient en contradiction quant à la procédure d’appel à suivre.

Aux termes de son arrêt du 11 juillet, la Cour de cassation fait donc prévaloir les dispositions relatives à l’appel des jugements sur la compétence sur les dispositions particulières de l’article R. 121-20 précité. Il faut bien préciser que l’article 85 du code de procédure civile prévoit l’instruction et le jugement de l’appel selon les modalités qu’il fixe « nonobstant toute disposition contraire », ce qui exclut donc a priori celles-ci.

La portée de cet arrêt du 11 juillet doit être étendue aux ordonnances du juge des référés ou à celles du juge de la mise en état se bornant à statuer sur une exception d’incompétence. A cet égard, la deuxième chambre civile a dit n’y avoir lieu à avis sur une demande intéressant l’appel de l’ordonnance d’un juge des référés ne statuant que sur sa compétence (cf. avis 2e Civ. 11 juillet 2019 no 19-70.012)

Seule la procédure nouvelle avec requête à jour fixe prévaut désormais.

 

Au surplus, la seconde chambre de la Cour de cassation ajoute incidemment que le formalisme exigé pour relever appel touche à la régularité de la saisine de la cour d’appel et que la juridiction d’appel est alors tenue de faire respecter les formes, le cas échéant d’office.

L’arrêt glisse là un second enseignement.

Avis au plaideur…

 

Par Maître Alexis Devauchelle

Avocat au Barreau d’ORLEANS

Spécialiste de l’appel

Quid des pièces ne figurant pas au bordereau de communication en l’absence de comparution du défendeur ?

avocataaa — Jurisprudence

L’appelant n’est pas tenu de communiquer ses pièces à l’intimé qui n’a pas constitué avocat.

Le fait que des pièces produites ne figurent pas au bordereau récapitulatif annexé aux écritures n’autorise pas le juge à les écarter des débats.

Cette appréciation ne vaut cependant qu’à l’égard des parties défaillantes qui renoncent à constituer avocat devant la Cour. Elle ne vaut aucunement dès lors que la partie est dûment représentée. Il faut alors lui communiquer les pièces.

2e Civ. - 6 juin 2019 pourvoi n°18-14.432

Effets de la demande d’aide juridictionnelle : Interruption du délai de dépôt de requête à fin d’autorisation d’assigner à jour fixe ?

avocataaa — Jurisprudence

Le délai d’appel n’étant pas interrompu par la demande d’aide juridictionnelle en application de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi sur l’aide juridique, dans sa version antérieure au décret du 27 décembre 2016, le droit de l’appelant à l’assistance effective d’un avocat, en application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, imposait que le délai de huit jours pour déposer la requête à fin d’autorisation d’assigner à jour fixe, prévue à l’article 919 du code de procédure civile, fût interrompu par la demande d’aide juridictionnelle.

Dès lors que le texte de l’article 38 précité a été modifié et que le délai d’appel est désormais interrompu par le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle, il n’est pas certain que cette jurisprudence soit encore maintenue par la Cour de cassation dans l’avenir.

2e Civ. - 6 juin 2019 pourvoi n°18-11.668

La recevabilité de l'appel provoqué formé par l’intimé

avocataaa — Jurisprudence

En application de l’article 909 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no 2009-1524 du 9 décembre 2009, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 du même code, pour conclure et former, le cas échéant, appel incident (et de trois mois depuis le décret de lai 2017).

En outre, il résulte des articles 55, 68 et 551 du même code que l’appel incident provoqué, qui est dirigé contre une personne non encore partie à l’instance d’appel, est formé par une assignation citant cette personne à comparaître devant la cour d’appel.

De la combinaison de ces textes, l’intimé dispose d’un délai de deux mois pour signifier une telle assignation en appel provoqué, sans que ce délai ne soit prorogé dans les conditions prévues par l’article 911 du même code, qui est relatif à la signification de conclusions à une personne déjà attraite dans la procédure d’appel.

C’est par conséquence à bon droit qu’une cour d’appel a déclaré irrecevable comme tardif un appel provoqué, après avoir relevé qu’un intimé avait assigné à fin d’appel provoqué une personne qui avait été partie en première instance, sans avoir encore été attraite à l’instance d’appel, au-delà du délai qui lui avait été imparti par l’article 909, peu important que cet intimé ait déposé au greffe dans ce même délai ses conclusions comportant l’appel provoqué.

Ainsi, si le délai pour former d’appel provoqué est de trois mois par application des dispositions de l’article 910 du code de procédure civile, l’appel provoqué n’est complètement réalisé que par la signification de l’assignation à cette fin, ainsi que par la remise au greffe via RPVA de cette assignation contenant les conclusions, le tout dans le délai de trois mois précité. L’article 911 ne trouve pas à s’appliquer à l’assignation à fin d’appel provoqué.

2e Civ. - 6 juin 2019 pourvoi n°18-14.901

Article publié depuis Overblog

avocataaa — Jurisprudence

La cour d’appel, à laquelle est demandée l’infirmation ou l’annulation du jugement d’une juridiction du premier degré ne doit, pour statuer à nouveau en fait et en droit, porter une appréciation que sur les moyens que les parties formulent expressément dans leurs conclusions à l’appui de leurs prétentions sur le litige ou sur les motifs du jugement déféré, motifs que l’intimé est réputé avoir adopté dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile.

Par conséquent, l’appelant principal, qui n’a pas lui-même repris à son compte dans ses conclusions d’appel un motif du jugement déféré, ne peut pas reprocher à la cour d’appel qui infirme ce jugement sur l’appel incident de l’intimé d’avoir omis de réfuter ce motif du jugement déféré.

2e Civ. - 6 juin 2019 pourvoi n°18-17.910

Appel civil - Moyen soulevé d’office tiré du défaut d’intérêt à agir

avocataaa — Jurisprudence

 

 Une cour d’appel n’est pas tenue de relever d’office l’irrecevabilité d’un appel incident en raison du défaut d’intérêt de son auteur.

Le défaut d’intérêt à former un appel n’affecte en effet pas la régularité de la saisine de la cour d’appel qui ne dispose alors, en vertu de l’article 125, alinéa 2, du code de procédure civile, que d’une simple faculté de relever d’office ce défaut d’intérêt à agir.

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