La Cour de cassation répond à cette question en s'affranchissant des règles relatives à l'expiration des délais de recours en suite d'une signification de jugement ou - plutôt - en cas d'absence d'une telle signification.
La Cour de cassation estime qu'en vertu des articles 909 et 911-1 du code de procédure civile, l’intimé peut former un appel principal contre un jugement qui ne lui a pas été notifié, mais uniquement tant que les délais des articles 905-2 et 909 du code de procédure civile ne sont pas expirés. (cf. Civ 2ème 6 février 2025 pourvoi n°22-18.971)
Un nouvelle limite est ainsi posée au droit d'appel, alors même que le délai d'appel n'a pas encore expiré.
Quid de la simple erreur de mention portant sur la présence d'une partie au procès d'appel sur la page de garde des conclusions ?
En l'espèce, la Cour de cassation se montre magnanime.
N’est en effet pas de nature entraîner la caducité de la déclaration d’appel, l’erreur manifeste qui, en considération de l’objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, de la déclaration d’appel et du contenu des premières conclusions d’appel, affecte uniquement la première page des conclusions. (Civ. 2ème ch., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-16.220).
Quel effet tirer de la désignation - dans les conclusions d'appel - du tribunal judiciaire (ou de grande instance) ?
La Cour de cassation estime que le moyen relevé d’office tiré de la désignation dans l’en-tête du dispositif des conclusions des appelants du tribunal de grande instance (…) alors que ces conclusions, régulièrement transmises à la cour d’appel par le RPVA, contenaient une demande de réformation du jugement, relève d’un preuve d’un formalisme excessif.
La Cour d’appel est saisie - et ce malgré la référence erronée au tribunal de grande instance relevant d’une simple erreur matérielle affectant uniquement l’en-tête des conclusions et portant sur une mention non exigée par la loi. (cf. Civ 2ème 3 octobre 2024 Pourvoi n° 22-16.223).
En procédure à jour fixe, la cour d’appel est valablement saisie par la remise de la seule copie de l’assignation au greffe.
Il n'est pas nécessaire d’y joindre les copies de la requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe, de l’ordonnance présidentielle ainsi que de la déclaration d’appel.
Il ne faut cependant pas avoir omis de joindre préalablement à l'acte délivré les copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919 du code de procédure civile.
Enfin, l’absence de remise de l’assignation est sanctionnée par la caducité de la déclaration d’appel et non par son irrecevabilité (cf. Civ. 17 mai 2023 pourvoi n°21-20690).
L'ordonnance du conseiller de la mise en état, qui a prononcé l'irrecevabilité de la déclaration d'appel et est revêtue - dès son prononcé - de l'autorité de la chose jugée, met immédiatement fin à l'instance d’appel.
L'arrêt infirmatif de la cour d'appel, rendu à l'issue d'une procédure de déféré dénuée d'effet suspensif, s'il a anéanti l'ordonnance infirmée, n'a pu toutefois, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l'article 908 du code de procédure civil. (cf. Civ. 2ème ch., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-23631).
Quelle est la juridiction d'appel pouvant statuer sur la recevabilité d’un appel nullité ?
La Cour de cassation énonce que le Conseiller de la mise en état, ou la cour d’appel statuant sur déféré de son ordonnance, ne peut connaître de la recevabilité d’un appel-nullité, invoquant un excès de pouvoir commis par le premier juge, dès lors que si l’appel était déclaré recevable, cela aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d’appel (cf. Com., 22 novembre 2023, n° 21-24.839).
Sous quelle forme l'intimé peut-il introduire son appel incident, lorsque la partie intimée visée par cet appel incident n'a pas constitué avocat ?
La Cour de cassation précise que cet appel incident formé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n'a pas à revêtir la forme d'une assignation (cf. Civ 2ème 9 juin 2022 pourvoi n°21-12.974).
L'appelant sanctionné peut parfois trouver un esquive à la caducité de son appel, par le biais d'un autre appel formé par une partie du même jugement.
La Cour de cassation retient, à ce titre, que si l'article 911-1 ancien du code de procédure civile interdit, en son alinéa 3, à l'appelant, dont la déclaration a été frappée de caducité ou dont l'appel a été déclaré irrecevable, de réitérer un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie, et prohibe, en son alinéa 4, à l'intimé qui n'a pas formé d'appel incident ou provoqué dans les délais requis ou dont l'appel incident ou provoqué a été déclaré irrecevable de former un appel principal, il ne fait pas obstacle à ce que l'appelant, dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité, devenu intimé sur un appel principal limité du même jugement, de critiquer à nouveau la disposition du jugement lui faisant grief, en formant un appel incident.
Cependant, il résulte des articles 548 et 550 du code de procédure civile que lorsqu'un jugement contient plusieurs chefs distincts et qu'une partie interjette appel de l'un d'eux, l'intimé ne peut appeler incidemment des autres chefs contre un autre intimé que s'il existe, quant à l'objet du litige, un lien juridique entre toutes les parties. (cf. Civ. 2ème 17 novembre 2022 pourvoi n°21-13524).
Le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile a modifié, en divers endroits du code, les règles applicables à la rédaction des conclusions en appel.
Ces règles sont applicables quelle que soit la position de la partie au litige : appelant / intimé ou intervenant, et sont fondamentales pour celui qui entend solliciter de la Cour une modification de la décision soumise à sa censure, que ce soit par voie d’appel principal, par voie d’appel incident ou provoqué.
I - Les informations requises quant aux parties au litige d’appel
Les précisions de l’article 954 du code de procédure civile sur le contenu formel des conclusions quant à la qualité et les coordonnées des parties ne modifient pas le droit positif.
L’article 954 renvoie désormais au seul article 960 du code de procédure civile.
Il sera rappelé que les mentions de désignation des parties sont prévues à peine d’irrecevabilité et peuvent être régularisées jusqu’au jour de la clôture de l’instruction ou, à défaut, jusqu’à l’ouverture des débats, comme le prévoit à ce titre l’article 961 du code de procédure civile.
Il vaut cependant mieux être précis sur les informations figurant sur les conclusions emportant désignation des parties.
Mais, il y a là plutôt un côté pratique puisque le risque de sanction est limité.
La Cour de cassation a en effet jugé qu’il n’appartenait pas au juge d’appel de vérifier d’office la recevabilité des conclusions de ce chef, même si l’intimé ne comparaît pas.
Cf. Com. 6 sept 2016 pourvoi 14-25891
II - Le contenu du dispositif des conclusions d’appel
L’enjeu des conclusions d’appel réside dans le dispositif de ces écritures, puisque c’est ce dispositif qui lie la Cour et c’est uniquement sur les chefs figurant à ce dispositif qu’elle va statuer.
Le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023 n’a pas bouleversé les règles applicables, mais les a tout de même complétées.
2.1. Des règles précédentes maintenues :
Les règles applicables en appel précédemment à la réforme sont maintenues, concernant les points suivants.
D’abord, il convient toujours de procéder à la récapitulation des prétentions, étant observé que la Cour ne prend en considération que les dernières conclusions signifiées.
A défaut, les parties sont réputées abandonner les prétentions et moyens ne figurant pas dans leurs dernières conclusions.
Ensuite, les parties doivent encore maintenir la concentration de leurs demandes.
Est ainsi maintenue l’obligation de présenter - dès les premières conclusions - l’ensemble des prétentions sur le fond à peine d’irrecevabilité (cf. article 915-2 alinéa deux).
Enfin, les dispositif doit préciser l’objet de l’appel.
L’obligation de préciser expressément dans le dispositif que l’appel tend à l’infirmation et ou l’annulation (ou les deux) de la décision soumise à la censure de la Cour est maintenue. A défaut, la Cour considère qu’elle n’est pas saisie.
Il s’agit là d’une formule qui doit figurer quelle que soit la qualité de l’appelant : appelant principal ou appelant incident. La règle jurisprudentielle est toutefois désormais codifiée.
Le texte consacre là la jurisprudence de la Cour de cassation qui retenait jusqu’alors qu’à défaut de cette formule, elle ne pouvait que confirmer le jugement, sauf la faculté dont elle disposait de relever d’office la caducité de l’appel.
Cf. Civ 2ème 4 nov 2021 pourvoi n°20-15757
La réforme ne prévoit toujours pas expressément de sanction en cas de manquement à cette obligation portant sur l’objet de l’appel. Mais il convient cependant de reprendre les termes de la jurisprudence précédente. A défaut de précision, la Cour ne pourra que confirmer le jugement, sauf la faculté de relever d’office la caducité de l’appel.
Le Conseiller de la mise en état et le président de chambre sont également compétents pour statuer sur cette caducité.
2.2. La règle nouvelle portant sur la reprise des chefs du dispositif critiqués de la décision attaquée
Mais, la réforme contient encore d'autres apports d’importance.
Les chefs du dispositif de la décision attaquée doivent désormais impérativement figurer au dispositif des conclusions, et pas seulement dans la déclaration d’appel ou dans les motifs des conclusions.
Si l’acte d’appel opère traditionnellement dévolution, il est donc nécessaire d’intégrer ces précisions, et encore de les reprendre dans le cadre de la rédaction du dispositif des conclusions d’appel.
En état du texte, il n’est pas prévu expressément de sanction en cas de manquement à cette obligation. Cependant, cette sanction peut se déduire de l’article 954 du code de procédure civile lui-même, qui prévoit que la Cour n’est saisie que par les prétentions énoncées au dispositif.
La tentation sera donc grande pour la cour d’appel de ne statuer qu’au regard de la mention dans le dispositif :
. Du chef spécialement identifié de la décision attaquée,
. Ainsi que de la formulation de la prétention subséquemment présentée sur ce chef critiqué. Il ne faut en effet pas oublier de solliciter de la Cour qu’elle tire les conséquences de son infirmation.
2.3. La modification désormais possible de l’étendue de la dévolution de l’appel
Le décret induit un nouvel assouplissement quant à la dévolution de l’appel, laquelle ne pouvait être opérée précédemment que par l’acte d’appel lui-même.
L’article 915-2 nouveau permet à l’appelant de moduler l’étendue de la dévolution de son appel en complétant / modifiant / retranchant les chefs du dispositif critiqués.
Ces modifications doivent toutefois intervenir dès les premières conclusions et être conservées en suite dans les conclusions récapitulatives, puisque la Cour ne statue sur les dernières conclusions.
Cela offre donc une possibilité de correction de la déclaration d’appel, à condition cependant que celle-ci contienne déjà certains des chefs critiqués.
Mais cette correction doit intervenir dès les premières conclusions d’appel signifiées, et la remise de conclusions complémentaires postérieures ne permettra pas d’ajouter de nouveaux chefs critiqués du dispositif de la décision attaquée.
Aussi, cette possibilité de modification de l’effet dévolutif de l’appel via les conclusions ne semble pas possible si la déclaration d’appel ne contient aucun visa d’aucun chef du dispositif critiqué (auquel cas il convient de déposer une déclaration d’appel complémentaire dans le délai pour conclure).
Des questions se poseront également probablement lorsque le chef modifié n’aura pas été visé, même en germe, dans le cadre de la déclaration d’appel.
La souplesse admise apporte un soulagement de la charge des plaideurs en appel, mais manque cependant de précision, ce qui est malheureux car cela ira encore probablement en un alourdissement des charges incombant aux Conseillers de la mise en état qui se trouveront saisis de nouvelles problématiques.
Une correction ou un complément peut être apporté à la première déclaration d'appel, notamment quant aux chefs attaqués du jugement critiqué, et ce avant l'expiration du délai pour conclure.
Cependant, la cour d'appel n'est pas saisie dès lors qu'elle constate que la déclaration d'appel contient pour seule mention "appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués" et que l'énoncé des chefs critiqués est récapitulés dans un simple message électronique qui suit, et non dans une nouvelle déclaration d'appel régularisée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond (2ème Civ. 30 janvier 2022 pourvoi n°21-12.720).
Il s'agit donc bien de procéder à une seconde déclaration d'appel si l'on veut valider la première.