Selon l’article 38 de la loi n° 55-366 du 3 avril 1955, toute action portée devant les tribunaux de l’ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l’Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l’impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée, à peine de nullité, par ou contre l’Agent judiciaire de l’Etat.
La mesure d’instruction sollicitée avant tout procès s’effectue contradictoirement et n’a pas pour objet de faire déclarer l’Etat créancier ou débiteur.
Dès lors, pour les référés in futurum menés sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la présence à la cause de l'Agent judiciaire de l'Etat n'est pas un préalable obligatoire (cf. 2e Civ., 8 septembre 2022, n° 21-14.242).
Dans le cadre de cette présentation, il ne s’agit pas de reprendre les éléments déjà connus et déjà pratiqués devant les juridictions d’appel, notamment depuis le décret Magendie du 9 décembre 2009, qui a fixé les nombreux délais et sanctions applicables en appel, mais bien plus de tenter de cerner les éléments nouveaux depuis le 1er septembre 2024 découlant du décret du 29 décembre 2023 'portant simplification de la procédure d’appel en matière civile’.
Il faut dire que, une fois de plus, ce n’est pas dans le texte stricto sensu du décret qu’il faut chercher les éventuels écueils nouveaux de procédure, mais bien plus, dans son silence ou ses sous-entendus.
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Je rappellerai brièvement que depuis plusieurs années et près de quinze ans, la procédure civile d’appel a été profondément réformée à travers différents textes successifs, à savoir notamment :
Le décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009, dit décret Magendie,
Le décret modificatif n°2010-1647 du 28 décembre 2010,
Le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, relatif notamment aux exceptions d’incompétence,
Le décret fourre-tout n°2020-1452 du 27 décembre 2020.
Au fil de ces différents textes, les devoirs procéduraux des parties se sont considérablement accrus, notamment en termes de délais pour agir et conclure. D’autre part, les sanctions en cas de manquement se sont multipliées et aggravées.
Dans le cadre des différents décrets de procédure, l’attention du législateur s’est portée principalement :
sur la forme de l’acte d’appel, et ses mentions obligatoires,
sur la forme des conclusions d’appel, et leurs mentions,
outre l’aspect temporel de la procédure, à travers la concentration des moyens imposée aux parties, ainsi que les délais pour les exprimer.
Les sanctions imposées par ces réformes ont acquis un caractère automatique : caducité de la déclaration d’appel / irrecevabilité des conclusions.
De surcroît, elles peuvent être le plus souvent soulevées d’office.
N’oublions pas qu’il y a quelques années la principale sanction du défaut d’une partie consistait en la radiation de l’affaire du rôle de la Cour, et l’éventuelle perte du caractère alors encore suspensif de l’appel (prévue à l’article 915 ancien du code de procédure civile).
Ces complexifications successives ont entraîné l’apparition d’un contentieux propre à la régularité de l’appel, ainsi que des procédures devant le Conseiller de la mise en état, et - parallèlement - une aggravation de la sinistralité de la profession d’avocat.
Enfin, la jurisprudence relative à la procédure d’appel est abondante, alimentant parfois un sentiment d’insécurité juridique pour les praticiens. Il suffit de se reporter aux bulletins de la Cour de cassation pour constater que chaque mois de l’année apporte sa kyrielle de questions nouvelles et d’interprétations des textes.
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Il convient d’évoquer deux premiers points d’introduction.
I- Sur l’entrée en vigueur de la réforme
Le décret nouveau s‘applique aux instances introduites par déclaration d’appel ou par déclaration de saisine après cassation à compter du dimanche 1er septembre 2024.
La règle est simple et ne souffre guère d’interprétation ou d’aléa. Le critère temporel est unique : c’est celui de la date de la déclaration au RPVA, soit d’un appel, soit après un arrêt de cassation avec renvoi, emportant saisine de la Cour.
Les instances d’appel introduites antérieurement au 1er septembre 2024 ne bénéficieront pas des règles nouvelles.
Deux régimes vont donc coexister, durant quelques années, jusqu’à épuisement du contentieux ancien. Il s’agira de ne pas l’oublier.
Le choix du législateur est ainsi différent de celui opéré pour le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024, dit ‘Magicobus n°1’, qui s’applique aux instances en cours.
II - Sur les objectifs de la réforme
L’objectif poursuivi par la réforme, tel que précisé dans la circulaire de présentation Ministère de la Justice du décret, en date du 2 juillet 2024, est double.
Primo, le décret tend à rendre plus lisible, plus claire, la procédure d’appel.
Le législateur a donc constitué un ensemble de textes, unique et autonome, pour la Cour d’Appel avec une numérotation modifiée. Il n’y a désormais plus de renvoi à la procédure de première instance, par disparition de l’article 907 ancien.
Par ailleurs, Des notions ambiguës - comme celle de « l’indivisibilité du litige » ou des « chefs du jugement » - ont été supprimées.
Des règles dégagées par la Jurisprudence ont été intégrées au corpus règlementaire désormais applicable.
Enfin, le rôle et les pouvoirs spécifiques du CME et du Président de Chambre sont précisés.
Certains auteurs voient dans la norme nouvelle une sorte de mode d’emploi professionnel et non plus des règles à portée générale. Mais, il s’agit d’une voie empruntée régulièrement par notre législateur dans de nombreux domaines, et depuis longtemps.
Secundo, le décret a fait oeuvre d’une certaine souplesse - limitée toutefois - mais nouvelle au profit des parties.
D’une part, dans une certaine mesure (et pour les chefs du jugement critiqués), les parties sont désormais autorisées à compléter leur acte d’appel dans leurs premières conclusions.
D’autre part, les délais de la procédure en circuit court - dite à ‘bref délai’ - sont allongés.
Les délais de procédure dans les différentes procédures ont même presque une certaine tendance à s’unifier.
De plus, le Juge d’appel peut également moduler les délais dont disposent les parties pour conclure, en les réduisant (comme auparavant), mais également en les allongeant.
Enfin, une invitation à pratiquer la mise en état conventionnelle est présentée aux parties.
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Il ne faut évidemment pas se leurrer.
La simplification énoncée de la procédure d’appel n’est pas au goût du jour.
Ni les délais, ni les sanctions ne sont remis en cause dans leur principe et, dans l’ensemble, dans leurs modalités.
Si des mesures nouvelles sont arrêtées, elles auront essentiellement pour effet d’alléger les charges des juridictions, notamment celles des Conseillers de la mise en état, mais aucunement celles des auxiliaires de Justice.
Au contraire, les nouvelles normes instituées vont susciter de nouvelles interrogations et de nouveaux risques, qu’il nous faut tenter de percevoir avance anticipation et évaluer.
Notamment, le défaut de sanction clairement évoquée par certains textes à l’égard de certaines obligations procédurales - et par la Direction des Affaires civiles et du Sceau, dans sa circulaire du 2 juillet 2024 - ne permet aucunement d’affirmer que de sanction il n’y en aurait point.
Là encore, c’est à une analyse en creux des dispositions applicables qu’il faut de livrer pour aboutir à la conclusion que l’Art de la procédure d’appel est complexe et dangereux.
A la sanction de la radiation de l'appel peut parfois s'ajouter la sanction ensuite de la péremption de l'instance d'appel.
A ce titre, en cas de radiation pour défaut d’exécution d’une décision frappée d’appel, le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation.
La cour d’appel qui statue sur la péremption de l'instance d'appel dans de telles circonstances doit dès lors rechercher la date de notification de l’ordonnance de radiation constituant son point de départ (cf. Civ 2ème 23 mai 2024 pourvoi 22-15.537).
Cet arrêt, rendu sur l'empire de l'article 526 ancien du code de procédure civile, apparaît maintenu sous l'empire de l'article 524 qui guide la matière.
Comment se combinent les demandes en interprétation d'un jugement et celles tendant à la réparation d'une erreur ou omission matérielle qui l'affecte ?
Les unes n'excluent pas les autres.
Elles ont en effet des causes différentes et obéissent à des régimes juridiques qui leur sont propres.
Ainsi, aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à la demande en rectification d'erreur matérielle formée par une partie précédemment déboutée d'une demande en interprétation de la même décision (cf. Civ 2ème 30 juin 2022 pourvoi n° 21-10.229)
Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, par application de l’article L. 124-3, alinéa 1er du code des assurances.
De plus, une partie assignée en justice est en droit d’en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle en vertu de l’article 334 du code de procédure civile.
Mais la mise en cause de l’assuré n’est pas une condition de la recevabilité de l’action directe du tiers lésé (cf. 1re Civ., 7 novembre 2000, pourvoi n° 97-22.582, Bull. 2000, I, n° 274 ; 3e Civ., 15 mai 2002, pourvoi n° 00-18.541, Bull. 2002, III, n° 98).
La même règle doit s’appliquer lorsque l’action exercée n’est pas l’action directe du tiers lésé, mais un appel en garantie formé par le responsable des dommages.
Si aucun texte n’impose à celui qui appelle en garantie l’assureur de responsabilité d’un tiers de mettre en cause l’assuré, une telle mise en cause pourrait néanmoins s’avérer nécessaire afin de respecter le principe de la contradiction.
Or, comme en matière d’action directe du tiers lésé, si la présence de l’assuré apparaît indispensable à la solution du litige, les parties intéressées, en particulier l’assureur, peuvent l’appeler à l’instance en garantie ou être invitées à le faire par le juge et, à défaut, l’assuré auquel la décision ferait grief peut former tierce opposition (cf. 3e Civ., 1er février 2024, n° 22-21.025).
Parfois la Cour de cassation se montre magnanime lorsqu'une partie commet une erreur sur la désignation de la juridiction d'appel compétente dans le cadre de ses écritures.
Elle a ainsi jugé recevables des conclusions formant appel incident, qui déterminaient l'objet du litige présenté à la cour d'appel et qui étaient remises dans le délai requis au greffe de la cour d'appel, mais qui mentionnaient - par erreur - dans leur dispositif qu'elles étaient destinées au conseiller de la mise état.
La Cour d'appel a été sanctionnée pour violation de l'article 910-1 du code de procédure civile pour avoir jugé, dans ce cadre, que l'intimée n'avait pas conclu dans le délai imparti (cf.2e Civ., 20 octobre 2022, pourvoi n° 21-15.942).
Cette jurisprudence doit toutefois être appréciée avec retenue et sa portée limitée à la seule erreur contenue au dispositif des conclusions, lequel n'a d'ailleurs pas à mentionner la juridiction visée.
Quelle est l'étendue du pouvoir du conseiller de la mise en état.
Notamment peut-il statuer sur l'effet dévolutif de l'appel et juger l'appel irrecevable à ce titre ?
Selon la Cour de cassation, en application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile. (Civ. 2, 19 mai 2022, pourvoi n°21-10.685).
C'est donc dans le cadre de conclusions signifiées au fond que la question doit être posée à la juridiction de fond.
La question de l'interruption des délais en appel, notamment pour conclure, peut receler des pièges redoutables pour les plaideurs.
La désignation d'un médiateur pose en effet des problèmes en matière de reprise des délais pour conclure générant des risques de caducité d'appel et d'irrecevabilité des conclusions.
Pour la Cour de cassation (cf. Civ 2ème 12 janvier 2023 Pourvoi n° 20-20.941), dès lors que la mission du médiateur a pris fin, ce terme marque la reprise de l’instance.
Doit alors être décompté, à partir de cette date, le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure. Le délai imparti à l'intimé reprend également son cours.
Il ne peut donc être valablement soutenu que l'instance n'aurait pas repris, au motif que le médiateur n'a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l'affaire n'a pas été fixée à une audience de mise en état.
Le décret 2023-1391 du 29 décembre 2023 impacte aussi les matières sans représentation obligatoire, et ce pour les actions introduites à compter du 1er septembre 2024.
En ces matières, les formes de la déclaration d'appel - précisées à l'article 933 du code de procédure civile - évoluent donc.
Voici une présentation des aspects majeurs de la réforme en quelques lignes.
D'une part, la forme de l'appel est autonomisée et le renvoi aux dispositions des articles 54 et 57 du code de procédure civile est désormais abandonné.
D'autre part, la déclaration d'appel doit indiquer non seulement l'objet de l'appel (en ce qu'il tend à l'infirmation et / ou à l'annulation de la décision attaquée), mais encore les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués.
A cet égard, la notion d'indivisibilité du litige est abandonnée et n'offre plus le luxe de s'exonérer de la précision des chefs du dispositif attaqués.
Cependant, une spécificité intervient : le défaut de précision emporte saisine de la Cour sur l'ensemble des chefs du dispositif de la décision soumise à sa censure.
Enfin, la déclaration d'appel doit être datée et signée par son auteur.
La Cour de cassation précise la recevabilité des fins de non-recevoir en appel tendant à voir juger irrecevable l'action intentée au fond.
Elle estime que la fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l’action, soulevée par l’intimé à l’occasion de l’appel d’un jugement ayant condamné en paiement les appelants, constitue un moyen de défense à l’appel principal, qui n’a pas à faire l’objet d’un appel incident (2e Civ., 4 juillet 2024, n° 21-21.968).
Cette précision est d'importance, notamment pour la rédaction du dispositif des conclusions d'intimé en réplique.
Il convient également de l'apprécier avec l'obligation - incombant à toute partie en appel - d'émettre ses prétentions de fond dans ses premières conclusions, obligation qui ne s'applique donc pas à la fin de non-recevoir.
Enfin, il sera rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article 567 du cpc, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, ce qui pourrait permettre de rattraper un oubli d'argumentaire commis en première instance.